Après une première partie consacrée au métier d’analyste vidéo, Yannick Pothier, responsable du département analyse à l’OL, nous raconte son travail au quotidien. Il se livre notamment sur ses rapports avec Rudi Garcia, son staff et les joueurs.
Quelles sont vos méthodes de travail ?
Ce sont plutôt des missions que l’on va avoir. On se partage les tâches pour avoir des rendus cohérents. On travaille en anticipation avec une semaine d’avance. Par exemple, on a joué Lens samedi dernier (1-1), la semaine passée, nous étions plutôt dans l’analyse du Red Star (2-2, 4-5 t.a.b). Dès que le déplacement à Lens était fait, on a proposé au staff une idée directrice de l’équipe que l’on va jouer ensuite. Dans la séance de lendemain de match, on va être dans le débrief mais il va également y avoir une tendance pour la rencontre suivante.
Comment se passe une semaine de préparation de match ?
Mon rôle principal va être de récolter, d'analyser et ensuite de transmettre les informations qui sont susceptibles d'impacter la performance de l'équipe. Pour ce qui est du calendrier, on va s'adapter, ce n'est pas la même chose s'il y a un match de coupe d'Europe dans la semaine. Le travail est divisé en deux. La première partie est sur l'adversaire. On analyse dans les moindres détails chaque adversaire. On veut réduire toutes les incertitudes en récoltant un maximum d'informations et en les transmettant au staff et aux joueurs. On observe 4 ou 5 matches complets de l’adversaire. On choisit en fonction du contexte qui nous intéresse, selon si on joue à l'extérieur ou à domicile. On regarde également des équipes qui nous ressemblent dans le style de jeu.
Ensuite, on entre un peu plus dans le détail, on observe certaines phases de jeu spécifiques. Par exemple, les coups de pied arrêtés, les ressortis de balle ou encore le pressing haut. On a également un autre projet que l’on mène sur l’ensemble de l’année. Après chaque journée de Ligue 1, on découpe les buts et les occasions de toutes les équipes. Avec un modèle OL que l’on a construit, on a ancré toutes nos définitions dans une base de données et on va découper les buts et les occasions avec les critères OL que l’on veut voir. Cela va nous permettre de comparer chaque équipe par rapport à une moyenne et à l’ensemble de la Ligue 1. On peut ensuite voir les faiblesses de l’adversaire.
Il y a une deuxième partie sur notre équipe. On découpe le travail en trois. A l’entraînement, lorsqu'on intervient en direct, le but est d'agir sur les comportements et les corriger. On peut également se servir de la vidéo pour présenter des ateliers que l’on a déjà faits. Avec les joueurs étrangers, cela peut être un gain de temps pour présenter l'exercice à faire car il y a parfois des problèmes liés à la langue. On va également l’utiliser en post-séance après l’avoir filmée dans des causeries individuelles ou collectives.
"Le but est d’impacter le résultat"
Comment se déroule un match pour vous ?
On est en tribune, nous sommes plusieurs analystes avec Cláudio Caçapa (adjoint) qui est à côté de moi. On a du recul avec la vidéo à disposition, l’ensemble des ralentis sous différents angles. Avec tout cela, le but est d’impacter le résultat, de voir tous les détails qui peuvent avoir une conséquence sur la performance de l’équipe. On regarde si le plan de jeu qui a été défini a besoin d’ajustements ou s’il est respecté, si les positions sur les coups de pied arrêtés sont bonnes. On a également défini plusieurs indicateurs de performance et en direct, on a les statistiques à disposition. On descend aux vestiaires à la mi-temps avec des éléments (statistiques, images) qui vont venir appuyer le discours du coach. Cela permet d’affirmer ou d’infirmer des idées que l’on avait depuis la touche. On est en communication avec le banc et le reste du staff via un talkie-walkie, ce qui permet de faire descendre l’information de suite.
Au quotidien, quelles sont vos relations avec Rudi Garcia et le staff ?
C’est beaucoup d’échanges au quotidien, souvent informels. En début de semaine, on parle plutôt de notre équipe, du débrief de la rencontre précédente. Ensuite, lorsque la prochaine partie approche, on va avoir des réunions et des discussions sur l’adversaire et sur la préparation de l’affiche, sur le plan de jeu à adopter et sur les forces et faiblesses de l’équipe en face. C’est un travail collectif.
"Mon rôle, c’est plutôt d’être un relais"
Et avec les joueurs ?
C’est un peu différent. Mon rôle, c’est plutôt d’être un relais et il est surtout à destination du staff et de l’entraîneur. Les joueurs vont échanger avec le coach et ses adjoints. Mais on a plusieurs fois dans la semaine, ça peut être 2,3 ou 4, des séances vidéo collectives ou individuelles, donc on discute forcément avec eux. Ça peut également être un peu plus informel. C’est vrai que l’analyste vidéo est celui qui regarde le plus de matches de l’adversaire, il est celui qui le connaît le mieux. On va donc échanger avec eux de manière spécifique.
Combien de personnes travaillent à la cellule vidéo ?
Nous sommes trois plus une personne chargée de la data.
Comment sont répartis les rôles au sein de cette cellule ?
On peut se mélanger. On a une formation qui nous permet de répondre aux différentes demandes. Mais pour une question d’efficacité et de partage des tâches, on a des fonctions plutôt précises. Moi je suis responsable du département. Je m’occupe de la partie OL et adversaire dans l’analyse, mais aussi de l’entraînement. Julien Le Goux gère plutôt les découpages individuels de nos matches et de l’adversaire également. Anthony Michel est en charge des coups de pied arrêtés et du projet que j’évoquais avant du but et des occasions.
"La première qualité du métier c’est l’anticipation"
Lorsqu’il y a trois rencontres rapprochées, quel impact cela a-t-il sur votre travail ?
Evidemment, on a moins de temps pour préparer les matches. Le travail est doublé sur la semaine. Je dirais que la première qualité du métier c’est l’anticipation. Il faut s’adapter en permanence aux demandes du coach et du staff mais aussi à l’emploi du temps. Par exemple, on sort d’une trêve internationale de 15 jours, j’avais déjà anticipé le match de Lens et du Red Star et aussi celui d’Angers (dimanche) pour ne pas être débordé. C’est la même chose pour les semaines avec la coupe d’Europe. Lorsqu’on a joué le « Final 8 » cet été, c’était un format un peu particulier mais on s’est retrouvé à disputer deux matches en peu de temps. En amont, on avait déjà fait une préparation de base sur tous les adversaires possibles. Selon le tirage et la qualification, on rentrait ensuite dans les détails.
Y a-t-il des phases de jeu plus étudiées que d’autres ?
Toutes les phases de jeu sont décortiquées. On a une partie où l’on regarde le match tous ensemble, les adjoints aussi observent la rencontre. Il est vrai que comme nous avons une base de données et que nous savons sur quels points l’adversaire est dangereux, on va ressortir toutes ces actions dans le détail. Au départ, tout est analysé et ensuite, en fonction de l’analyse que l’on a pu faire, on va rentrer vraiment dans les détails des phases de jeu les plus dangereuses.
"C’est une sensibilité qui peut être différente selon les profils de joueurs"
Tous les joueurs sont-ils demandeurs au sujet de la vidéo ?
C’est surtout une sensibilité qui peut être différente selon les profils de joueurs. Certains ont besoin avant une rencontre de connaître tous les détails sur leur adversaire. On essaye d’ancrer la vidéo dès le plus jeune âge. On souhaite leur donner l’habitude de revoir leur match et d’être moteur, de consulter les montages en autonomie et de savoir être critique sur leur performance. On voit que la nouvelle génération a eu l’habitude et qu’elle est plutôt demandeuse. C’est donc un travail de long terme que l’on met en place dès les catégories jeunes.
Sur quoi portent les montages individuels que vous fournissez au joueur ?
On va définir le profil de chaque adversaire. C’est adapté au poste car on ne va pas prendre les mêmes caractéristiques pour un défenseur ou un milieu. La base, c’est de décrire le joueur. On insiste sur ses caractéristiques physiques, ses forces… Si c’est un attaquant, est-ce qu’il prend souvent la profondeur, s’il aime rentrer et frapper, si c’est plutôt un joueur en pivot etc…Cela leur permet de savoir à quoi s’attendre.
Avez-vous le souvenir d’un match où la vidéo a été décisive ?
Je me souviens d’un dernier match de la saison contre Nice. Il fallait gagner pour se qualifier en coupe d’Europe. On avait étudié chez les Niçois une certaine phase de jeu. On a observé avec les adjoints que sur coup franc, le mur adverse avait tendance à sauter. On avait transmis l’information aux joueurs. On avait marqué comme cela, une frappe de Memphis Depay sous le mur et on avait ensuite remporté le match. Cela fait partie des bons souvenirs et des détails qui, sur le coup, ont payé. Mais c’est parfois difficile à mesurer. C’est difficile de savoir si à chaque fois, c’est la vidéo qui a fait la différence ou pas.
Vous pouvez retrouvez la première partie de l'entretien avec Yannick Pothier ici.
Excellente cette interview, merci O&L !
On a vu quelques bons exemples de rencontres travaillées en amont cette année (le but de Paqueta après pressing sur le gardien contre Brest, le match à Strasbourg). Par contre beaucoup moins évident ces dernières semaines, l’équipe semble totalement autiste.
C’est une structure mise en place depuis quand? Il parle du match contre Nice il y a 3 ans (j’en rêve encore), à méditer pour le prochain à la 38 ème journée...