Dans une première partie, l’ancien milieu de terrain, nous a compté son expérience sous la tunique de l’Olympique lyonnais. Dans cette seconde partie, le Lyonnais de naissance évoque son départ du club, la fin de sa carrière ainsi que sa reconversion. Toujours attaché à l’OL, l’homme de 50 ans, juge également l’actualité du club rhodanien.
Olympique et Lyonnais : Vous avez décidé de quitter l’Olympique lyonnais à l’été 1997 pour rejoindre le Montpellier HSC. Pourquoi un tel choix ?
Sylvain Deplace : J’ai souhaité passer un cap dans ma carrière notamment sur le plan salarial. Au final, c’est ce que j’ai fait mais dans un club moins huppé. Mon agent m’a un peu monté la tête également. J’étais en fin de contrat. L’OL souhaitait me garder et Jean-Michel Aulas m’a fait une proposition de prolongation de 7 ans ! C’était quelque chose d’assez exceptionnel. Mais au niveau du salaire, j’estime que sa proposition n’était pas à la hauteur de mon statut. J’étais devenu international A’ et j’avais disputé 203 matchs sous le maillot de l’OL à seulement 25 ans. J’aurais dû être rémunéré comme tel. J’ai senti qu’à l’OL, je ne serais jamais considéré autrement qu’un meuble. Louis Nicollin m’a fait une belle proposition. Un an après mon départ avorté à l’AS Monaco, j’ai donc fait le choix de quitter l’OL. Avec le recul, je n’aurais jamais dû partir. Surtout pour les motivations qui étaient les miennes.
Selon vous, quel est le niveau de responsabilité de chacun dans cet échec de votre prolongation ?
Tout le monde a sa part de responsabilité : moi, mon agent et le club. Jean-Michel Aulas a joué au con dans cette histoire. Les négociations auraient pu être très rapides. Surtout qu’avec sa proposition de prolongation de 7 ans, il souhaitait que je réalise toute ma carrière au club. Son désir était que je porte le brassard de capitaine et que je fasse ma reconversion au sein de l’OL. Mais, une nouvelle fois, son offre n’était pas en adéquation avec tout ça. Après, c’est évident que mon agent a eu une énorme influence sur moi. Je n’avais que 25 ans, je manquais sans doute de maturité. Il m’a mis en avant l’aspect financier au détriment du projet sportif. Mais la faute me revient, en dernier lieu, vu que c’est moi qui ai pris la décision. Mais encore une fois, j’aurais dû prolonger à l’OL. Je suis parti à contre-cœur.
Vous étiez en équipe de France A’ à ce moment-là. Pensez-vous que vous étiez proches de rejoindre les A ?
Oui, je pense que j’étais aux portes de l’équipe de France à cette période. Je sais qu’Aimé Jacquet avait un œil appuyé sur moi. Puis j’ai fait ce choix de carrière de partir à Montpellier. Les choses se sont mal passées pour diverses raisons. J’ai ensuite connu Guingamp et Martigues. Mais je n’ai jamais retrouvé le niveau qui était le mien à l’OL. L’Olympique lyonnais a clairement marqué l’apogée de ma carrière.
Une carrière qui a pris fin en 2002, l’année du premier titre de champion de France de l’OL. Vous n’avez alors que 30 ans. C’est un âge un peu prématuré pour prendre sa retraite non ?
C’est prématuré par rapport à l’ensemble des footballeurs professionnels oui. Mais j’en avais clairement marre. Je ne prenais plus de plaisir. On jouait davantage au football pour gagner notre vie qu’autre chose. L’argent est arrivé dans le milieu et il a pourri le monde du football. Je ne m’y retrouvais plus. Ainsi, prendre ma retraite sonnait comme une évidence à mes yeux. Peu importe mon âge. Je me suis fait chier pendant 5 ans après mon départ de l’OL.
« Au niveau amateur, j’ai retrouvé le football passion que j’aimais »
Pourtant vous n’avez pas été éloigné des terrains très longtemps puisque vous avez rejoint l’AS Marcy-Charbonnières (devenu CS Meginand) dès la fin de votre carrière. En quelques mois, vous êtes passé d’un monde à un autre…
Oui mais c’était un monde avec lequel j’étais totalement en phase. J’ai retrouvé le plaisir de jouer au football dans le monde amateur. Lorsque le président du club, que je connaissais, m’a proposé de jouer pour eux, je n’ai pas hésité. Je n’avais aucune envie de retrouver le monde professionnel. Je ne vis pas dans le passé donc je n’ai éprouvé aucun regret. A Marcy, il y avait un vrai groupe. J’étais vraiment admiratif des mecs qui venaient s’entraîner, surmotivés, après une journée de travail. Je sais aussi qu’ils avaient aussi un peu d’admiration à mon égard puisque j’étais encore un joueur professionnel quelques mois auparavant. Mais c’est un statut qui m’importait peu. J’étais partie intégrante du collectif. Puis j’ai retrouvé le chemin de filets, ce qui a été très rare durant ma carrière (Rires).
C’est vrai que 8 buts en 337 matchs professionnels, c’est un total qui est assez faible pour un milieu de terrain. Vous ne souhaitiez pas marquer ?
Non c’était pêché de marquer (Rires). En réalité, je marquais beaucoup de buts quand j’étais jeune. Puis arrivé en professionnel, c’est devenu beaucoup plus rare. Il faut dire que je prenais beaucoup de plaisir à la passe. J’étais presque aussi heureux de faire marquer que de marquer. Je n’ai jamais eu l’obsession de but. Si l’on regarde mon nombre de passes décisives, il doit être bien supérieur. Mais je ne suis pas certain qu’elles étaient comptabilisées à l’époque. Après, quand je jouais au niveau amateur, c’est vrai que j’ai été beaucoup plus souvent buteur. Il faut dire que mes coéquipiers me cherchaient en permanence. Ils me disaient, quand on est en difficulté, on donne la balle à Toch’ (Tochiba, son surnom, en référence à l’un des sketchs des Inconnus), il va savoir quoi en faire (Rires).
Au sein du CS Meginand, vous avez tout connu : joueur, entraineur-joueur puis entraineur. En 13 ans au sein de ce club. Qu’est ce qui vous a le plus marqué ?
Les valeurs à la fois de ce club et du football amateur. J’ai retrouvé le football que j’aimais et que je pratiquais, par passion, quand j’étais jeune. Cela peut paraitre curieux mais j’étais beaucoup plus épanoui au sein de ce club que durant une partie de ma carrière professionnelle. J’avais du caractère sur le terrain mais en dehors, je suis un ours. J’étais dans un monde qui ne me correspondait pas. J’ai été un peu dépassé par le vice de l’argent dans le football. J’avais besoin de me retrouver et de revenir à mes valeurs. Puis grâce à ce club, j’ai pu me reconvertir dans un secteur qui m’était inconnu mais dans lequel je prends beaucoup de plaisir à travailler aujourd’hui.
Quelle est votre activité actuelle ?
J’ai gardé un lien avec le sport puisque j’ai la responsabilité de tout le pôle terrains de sport au sein de l’entreprise Teridéal, anciennement Tarvel. J’ai bénéficié de cette opportunité un peu par hasard. En 2010, je m’occupais de démarcher des entreprises devenir sponsor du club de Meginand et j’ai rencontré le dirigeant de cette entreprise. Il m’a donné une voiture de fonction, un ordinateur et il m’a dit « démerde-toi » (Rires). Je ne savais même pas de quoi était fait un terrain de foot (Rires). Mais, il avait décelé en moi une sorte de vocation pour développer son activité des terrains de sport. Pour être un peu plus précis, je suis en relation avec des collectivités locales et des clubs pour refaire leurs terrains. Avec l’essor des terrains synthétiques, c’est un marché qui a connu une belle expansion.
« Le synthétique n’est pas adapté à la pratique du football professionnel »
Est-ce que votre passé de footballeur professionnel a été un plus pour vous dans votre métier ?
Au départ, cela m’a beaucoup aidé car j’avais un vrai réseau dans la région. On va dire que cela a facilité le lien et cela m’a offert une certaine légitimité. Mais, ce n’est pas parce que j’ai été joueur professionnel que les affaires se réalisent aisément. Puis je n’étais pas Zidane non plus. Aujourd’hui, je ne suis pas sûr que mon nom parle beaucoup, surtout aux plus jeunes (Rires). Mais cela ne me dérange absolument pas d’être dans un certain anonymat. Je suis heureux de ce que je fais aujourd’hui. J’ai un vrai métier et c’est le plus important pour moi.
Vous êtes fier de votre reconversion ?
Très clairement ! Cela fait bientôt 12 ans que j’exerce ce métier et je trouve que j’ai beaucoup progressé. Comme je l’ai expliqué, je suis parti de rien. Je suis un autodidacte. Donc si je suis toujours là autant d’années plus tard, c’est que cela ne se passe pas trop mal. Puis le climat de l’entreprise me plait. J’apprécie le fait que l’on me laisse en autonomie et que l’on me foute la paix (Rires).
Pour rentrer dans le côté un peu plus technique, on peut dire aujourd’hui que les terrains synthétiques ont, aujourd’hui, surplantés les terrains naturels. Comment expliquer un tel changement ?
Aujourd’hui, les terrains synthétiques sont beaucoup plus adaptés à l’usage des clubs amateurs et des collectivités. Que ce soit en nombre de matchs ou au niveau de l’entretien. Je vais vous donner un exemple. Quand un club ne possède qu’un seul terrain et que, le même week-end, en période automnale ou hivernale, 3 à 5 rencontres sont disputées dessus. Dans quel état se trouve la pelouse naturelle au bout de 3 matchs ? Elle souffre et c’est légitime ! A l’inverse, le terrain synthétique ne perd pas en qualité. Aujourd’hui, le synthétique semble être vraiment indispensable. Surtout au niveau amateur. D’ailleurs, je ne propose plus aucun projet en terrain naturel.
On a vu ce type de pelouse à Lorient et à Nancy au niveau professionnel. Pensez-vous que cela va se démocratiser dans le futur ?
Absolument pas. D’ailleurs, le terrain synthétique a été un véritable camouflet pour ces deux clubs. Le synthétique n’est pas adapté à la pratique du football professionnel. Le terrain est différent, les dimensions sont différentes, les repères sont différents et le jeu devient différent. Pour l’anecdote, je ne vends que des pelouses synthétiques alors que je suis un véritable partisan de la pelouse naturelle (Rires). Mais en tant que professionnel, je me dois de proposer le meilleur produit en fonction des projets des clubs et des collectivités.
« Je n’avais absolument pas envie de revenir dans le monde du football professionnel »
Au sein de la région lyonnaise, vous avez un concurrent de taille en la personne de Parcs et Sports. Quelle est la différence entre eux et Teridéal ?
Au niveau de l’activité terrains de sport, nous sommes sur le même créneau. Après, je dirais qu’ils sont davantage spécialisés dans les terrains élite donc en collaboration avec les clubs professionnels. Nous, nous sommes davantage sur le créneau des collectivités locales. Maintenant, je dirais que le marché est stable et que c’est normal d’avoir de la concurrence. Il y a toujours autant de terrains et c’est une activité qui a un bel avenir devant elle.
On sait que l’OL aime bien faire revenir ses anciens joueurs au sein de club. Malgré votre reconversion réussie, n’avez-vous pas été approché par le club pour y revenir ?
Si, j’ai eu une opportunité de revenir au club par l’intermédiaire de Florian Maurice. Une personne de qui je suis resté assez proche. C’était en 2013 ou 2014, je ne sais plus exactement. Il m’a tendu une perche pour travailler avec lui au sein de la cellule de recrutement du club. Mais, pour toutes les raisons que j’ai pu évoquer avec vous, je n’avais absolument pas envie de revenir dans le monde du football professionnel.
Vous évoquez Florian Maurice qui a occupé le poste de directeur de la cellule de recrutement. Rémi Garde et Bruno Genesio, qui ont également été vos coéquipiers, ont-eux été entraineur du club. Etes-vous surpris par les différentes fonctions de ces trois personnes que vous connaissez bien ?
Rémi, absolument pas ! Je m’attendais à ça. Pour moi, Rémi c’est un peu un Arsène Wenger des temps modernes. Pour ce qui est de Bruno et Flo, j’étais un peu plus surpris oui. Bruno avait un tempérament de gueulard mais de là à diriger et à stimuler un groupe, il y a une différence. Mais force est constater qu’il a des résultats. Concernant Flo, il a su faire évoluer sa personnalité et c’est pour cela qui occupe de telles responsabilités aujourd’hui. Jadis, c’était une vraie pile électrique. Aujourd’hui et même si je le vois un peu moins, je sais qu’il est différent. Il est davantage dans l’analyse et il est un peu plus posé.
Que représente l’Olympique lyonnais à vos yeux aujourd’hui ?
Je reste un supporter inconditionnel du club. Je suis né à Lyon, j’ai porté plus de 200 fois la tunique lyonnaise en équipe première. Que dire de plus ? Je suis un Gone et je le resterai. Mon entreprise possède une loge au stade mais depuis le COVID, je n’y vais plus. Même si je suis vacciné, j’ai des proches qui ont la santé fragile et je ne préfère pas prendre le moindre risque. Donc, je regarde les matchs de chez moi désormais.
« Le podium est encore possible pour l’OL »
Quel regard portez-vous sur la saison actuelle du club ?
C’est une saison un peu atypique car il y a eu un changement important en début de saison avec l’arrivée de Peter Bosz. Je ne connais pas bien ce coach mais j’aime bien son discours, sa tête et sa façon d’être. Je pense qu’il peut mener le club à la Ligue des Champions. Il y a un groupe de qualité et le podium n’est pas loin. Mais paradoxalement, on a l’impression que la mayonnaise n’a pas encore totalement pris. Si tel est le cas lors de cette deuxième partie de saison, l’OL terminera 2e ou 3e de Ligue 1. Puis avec un tel effectif, ne pas terminer sur le podium serait décevant. Maintenant, tout est encore possible. On voit que la dynamique actuelle est positive et on sait surtout que la deuxième partie de saison est souvent synonyme de remontée pour le club. Plusieurs fois, le club est revenu du diable vauvert. Pourquoi pas cette saison également ?
Pourtant, entre les points laissés en route en fin de match et le départ de Juninho, on a rarement vu un OL aussi fébrile que cette saison. Partagez-vous cette analyse ?
C’est délicat d’avoir un avis aussi tranché. Mais une chose est sûre, c’est que des points ont été perdus bêtement. Sans cela, le club serait bien plus haut au classement. Concernant le départ de Juninho, c’est un problème interne. Même si l’interne a très souvent un impact sur le sportif, le plus important reste le vestiaire. Quand il y a plusieurs directeurs au sein d’un club de football, on s’expose à des désaccords plus ou moins importants. Lorsque ces désaccords sont trop importants et qu’il y a des interférences entre les différentes parties, le changement semble inévitable. Je perçois le départ de Juninho comme tel. Mais une nouvelle fois, le sportif reste le sportif. L’important est de préserver le vestiaire de tout ça. Et c’est ce qu’il y a de plus compliqué.
Le podium n’est qu’à 7 points. C’est à la fois peu et beaucoup. Est-ce que cette ambition de Ligue des Champions n’empêche pas le club de se regarder en face d’assumer le fait que l’OL n’occupe aujourd’hui que la 8e place du championnat ?
Pour un club comme l’OL, c’est normal d’avoir l’ambition d’aller en Ligue des Champions. Je ne dirais pas que c’est vital mais c’est primordial. De la 1ère à la dernière journée, c’est un leitmotiv permanent. Donc le temps que cet objectif est encore atteignable, pourquoi perdre cette ambition ? Certes, les matchs ne font pas rêver mais on sent que ces derniers temps, il y a une nouvelle dynamique. Je pense que le coach n’avait pas encore trouvé le bon système et qu’il n’avait pas les joueurs pour jouer dans le système qu’il souhaitait. Il a tenté de s’adapter avec les joueurs qu’ils avaient mais on sentait qu’il ne faisait pas jouer son équipe comme il voulait.
« Le derby OL-ASSE ne me fait pas grand-chose »
Depuis votre départ du club en 1997, l’OL a été sept fois champion de France, a déménagé de Gerland au Groupama Stadium et est devenu un club indispensable au football français. Comment percevez-vous cette évolution ?
Forcément, en presque 25 ans, de l’eau a coulé sous les ponts. Et c’est tant mieux. Le club avait déjà un vrai potentiel à l’époque. Puis démographiquement, Lyon est l’une des plus grandes villes de France donc c’est normal, je pense, d’avoir une grande équipe. Personnellement, même si je comprends la logique d’évolution avec le nouveau stade, je ne me reconnais pas dans ce monde-là. Je n’ai jamais ressenti l’atmosphère qui régnait à Gerland, au Groupama Stadium. Mais cette stratégie de développement se défend totalement. Après, je suis content de voir que l’OL est resté un club formateur. Le football actuel est tel qu’il faut des joueurs venus de l’extérieur mais l’OL a un ADN de club formateur. Quoi qu’il en soit, le club sortira toujours des joueurs de grands talents. Je suis bien place pour savoir qu’il y a beaucoup de pépites dans la région lyonnaise.
Dernière question, vous aviez déclaré il y a quelques années, que le derby OL-Saint Etienne n’avait que très peu d’impact sur vous. Cela est plutôt étonnant venant d’un pur lyonnais non ?
Oui mais je l’assume : le derby ne me fait pas grand-chose. Pour moi, un match face à Saint-Etienne est un match à gagner comme contre n’importe quelle équipe. Je n’ai jamais eu de motivation supplémentaire à l’idée de jouer contre eux. J’ai toujours eu la gagne en moi. En rentrant sur un terrain, j'ai toujours eu envie de gagner. Je ne vois pas pourquoi j’aurais été davantage motivé contre Saint-Etienne car je l’étais déjà au maximum. Je peux comprendre les supporteurs mais je n’étais pas dans un état d’esprit de rivalité. A chaque fois que j’ai affronté Saint-Etienne, j’avais quelques potes dans l’équipe d’en face. Puis soyons honnête. Aujourd’hui, il n’y a rien de comparable entre l’OL et l’ASSE. L’OL est beaucoup plus riche que les Verts. La seule chose en commun, c’est la proximité géographique. Sinon, de mon point de vue, il n’y a aucun intérêt à comparer à la fois les deux clubs mais aussi les deux villes.