Steed Malbranque, un retour à la lumière

Article rédigé par "Gonzo"

Un bel après-midi de fin d’été, le public de Gerland découvre sur la feuille de match, un certain Steed Malbranque. Certains se demandent d’où il vient, les mieux informés disent "C’est un ancien Lyonnais ! Il revient d’Angleterre" ... "Il n’a pas joué depuis longtemps !" ... "32 ans ?" Mais qui est Steed Malbranque ? Peu le savent au moment du début de saison. Trop peu d’infos sur les réseaux sociaux, les supporters et les observateurs restent avec un grand point d’interrogation. Pourtant, peu après le coup d’envoi, ils vont rapidement être subjugués par la toute nouvelle recrue de l’OL ...

Les débuts Lyonnais

Steed est issu du centre de formation de l’OL. Il gravit les échelons et fait preuve dès le début, de constance, de régularité et d’abnégation. Il ne tarde pas à occuper sa place en équipe première, à 18 ans, sous la houlette de Bernard Lacombe. L’année suivante il signera son premier contrat professionnel, toujours avec l’OL. Mais malgré des débuts très convaincants, Steed va devoir partir …

Depuis son plus jeune âge, les exigences paternelles l’obligent sans cesse au dépassement, à la recherche de la perfection. Son père est omniprésent et veut avoir la mainmise sur le destin professionnel de son fils. Robert Valette (son premier entraîneur à l’OL) en témoigne et dit de lui : "Quand il était jeune, la relation avec son père qu'il aimait énormément était compliquée. Son père était très directif, très présent. Je l'ai vu pleurer lors d'un match cadet que nous avions gagné 4-1 parce que son père, qui voulait qu'il soit le meilleur, lui avait fait une remarque sur une action mal faite. Il voulait que ce soit un homme parfait", se souvient son ancien formateur…

La pression paternelle s’amplifiera avec l’accession à l’équipe première, mais Steed ne supporte plus cette proximité et cette pression dans sa vie professionnelle. Après avoir joué 110 matchs avec l’OL et gagné la coupe de la Ligue en 2001, Steed va partir. Loin ... Où ? Tout naturellement vers la terre du football, là où tout a commencé : go to England !

L’aventure Anglaise

"Avec Steed comme prénom, j'étais destiné à jouer en Angleterre" ... Et voilà Steed arrivant chez "nos meilleurs ennemis" ! Fulham tout d’abord qui le recrute pour 7,7 M€ (une somme pour l’époque) puis 5 ans plus tard Tottenham, où il restera 2 ans avant de partir pour Sunderland, pour ses 3 plus belles saisons britanniques. Au total 10 années de football à l’anglaise, 336 matchs pendant lesquels Steed se cherche, travaille inlassablement, se perfectionne et finalement se trouve, et fait l’unanimité. Le discret frenchy "box to box" ravit le public britannique et enchaîne les performances. Il laissera sa marque et son empreinte outre-manche, un souvenir aux supporters de ces trois clubs qui ont tous salué le "fighting spirit" de Steed. Plus de 400 matchs toutes compétitions confondues, et 66 buts. Il dira lui-même de cette expérience : "En Angleterre, j’ai vécu dix ans de bonheur : des matches intenses, avec très souvent des revirements … Vraiment, j’ai connu plein de bonnes choses." Celui qu’on appelle aussi « Le taiseux » sait parfois parler de ses sentiments, discrètement …

Un retour manqué

Eté 2011 : Steed a 31 ans, et décide de clore l’épisode british, et de revenir en France, chez nos voisins stéphanois. Peut être, qui sait, pour y finir sa carrière. Son passage chez les verts sera pourtant de courte durée : quelques entraînements au mois d’août, trois matchs, et l’arrêt, soudainement. Des rumeurs de caniveaux courent alors, pour "expliquer" cet arrêt brutal, dont une sombre histoire de fils qui serait atteint d’un cancer. L’agent de Steed déclarera alors : "Steed n'a pas de fils mais deux filles, et les deux sont en bonne santé." La presse de caniveau est toujours en pleine forme …

C’est Steed lui-même qui donnera ses explications, les seules qui vaillent, à propos de cet étonnante rupture toute à son honneur : "Trois semaines après (la signature), je me suis aperçu que j’avais peut-être fait une erreur. Je pensais m’éclater, prendre du plaisir et ce n’était pas le cas. Je ne peux pas rentrer dans les détails, par rapport au club de Saint-Etienne. Ça ne servait à rien de rester au club, d’être dans mon coin et de prendre mon chèque à la fin du mois. Ça ne m’intéressait pas. Si je l’ai fait, je le répète, c’est que je n’avais plus de plaisir. Voilà. J’avais un des meilleurs salaires de l’effectif, et j’ai été honnête dans cette démarche. Cela n’a pas été compris. Tant pis."

D'ailleurs, le joueur n'a pas souhaité toucher son salaire du mois d'août. Intègre et cohérent, cet homme-là a aussi de la classe en dehors des terrains. Voilà donc notre Steed libre de tout contrat, ne sachant rien de son avenir professionnel. Il va alors passer quelques mois proche de sa famille, tout en continuant à s’entraîner seul, courir, ou encore disputer quelques tournois de tennis ...

Le retour à la maison mère

... jusqu’au moment où une vieille connaissance, un certain Bernard Lacombe, va revenir vers lui en juin 2012 et lui proposer de s’entraîner avec la CFA de l’Olympique Lyonnais, le club de ses débuts. Sans pression, sans enjeu. Steed accepte … et Lacombe a déjà son idée !

Certaines mauvaises langues vont alors taxer "Nanard" et Aulas de séniles, car la nouvelle recrue a … 32 ans ! Rendez-vous compte, un âge où l’on doit certainement se préparer à être consultant ou entraîneur, se disent les mêmes qui, pourtant, s’extasient devant un Pirlo ou un Scholes … Allez comprendre !

"J’aurais préféré reprendre directement avec les pros, c’est vrai. Mais je me suis dit que ça allait me permettre de retoucher le ballon avant de me retrouver avec les pros. Je n’étais pas vexé. J’avais juste envie de montrer que j’étais en forme. C’est légitime de se poser la question, beaucoup d’entraîneurs se seraient interrogés sur un joueur qui n’avait pas joué depuis dix mois." Il s’amuse même d’avoir partagé sa chambre avec un jeune en CFA. Le bonhomme n’a assurément pas la grosse tête ...

Après quelques entraînements qui permettent à Rémi Garde d’être convaincu des qualités de Steed, voici la première titularisation qui arrive, et à Gerland ! Steed se met à l’ouvrage dès son premier match contre Valenciennes. Omniprésent, il ratisse le gazon et les ballons sans jamais sembler pouvoir se fatiguer. Une lecture du jeu peu commune, une technique certaine et une abnégation à la récupération vont lui valoir la meilleure note des joueurs de l’OL pour ce match, ce qui deviendra une habitude par la suite. Les yeux s’écarquillent aussi bien à Gerland que devant les écrans : "Man of the match", dira Rémi Garde après la rencontre, avec un sourire plein de satisfaction mêlé d’admiration. On le comprend !

Il enchaîne alors les matchs en titulaire, déjà indispensable. On se demande tout d’abord s'il va confirmer à ce niveau, avec cette intensité. Puis on constate rapidement que ce n’est pas un feu de paille, mais que le joueur qui a réintégré la maison OL n’est pas n’importe qui.

Après la blessure de Gourcuff et le départ de Kallström, Steed fait un bien fou au milieu de terrain. Il bonifie ce qu'il touche, complète, appuie, valorise, régule. C’est la pulsation du jeu lyonnais. Maxime Gonalons ne dit pas autre chose : "C'est très facile de jouer avec lui (...) C'est le métronome de l'équipe. Il fait voir à tout le monde qu'il est une excellente recrue pour nous."

Son association avec Grenier rassure le jeune milieu lyonnais qu’il met en valeur. La doublette qu’il forme depuis peu derrière l’attaque lyonnaise avec Gourcuff est déjà qualifiée de "duo d’enfer" par tous les observateurs.

Steed : "Je savais que je voulais revenir. L'envie a toujours été là. Le foot m'a manqué (...) L'OL, c'est le club de mon coeur. Cela me plaît de revenir et c'est un beau challenge que de montrer ma détermination." Plaisir partagé, Steed ! Si le foot t’a manqué, tu lui as assurément manqué aussi.

Robert Valette : "J'ai retrouvé un Steed guerrier. Et peut-être plus qu'il ne l'était avant. Son séjour anglais l'a encore endurci. Le foot français est passé à côté d'un très bon joueur." Si le football français est malheureusement passé à coté de ce joueur (pour le moment) l’OL et ses supporters n’ont pas mis longtemps à l’adopter comme un des leurs ... comme si, finalement, il n’était jamais parti …

Merci Steed !

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