Pierre Sage, ancien entraîneur des U16 de l'OL
Pierre Sage, ancien entraîneur des U16 de l’OL (@Jessim Ferraro)

Son départ de l'OL, ses souvenirs, ses regrets, le choix du Red Star : Pierre Sage dit tout

Entraîneur des U16 de l'Olympique lyonnais jusqu'au 31 décembre 2021, Pierre Sage a rejoint le banc du Red Star (National) comme premier adjoint d'Habib Beye. En exclusivité pour Olympique-et-Lyonnais, le technicien se confie sur les raisons de son départ, son travail à l'académie de l'OL et sur son choix de rejoindre l'équipe francilienne.

Olympique-et-Lyonnais : Pouvez-vous nous raconter votre départ de l’OL pour le Red Star ? 

Pierre Sage : Il s’est fait assez rapidement dans le sens où il y a eu des contacts à partir de mi-décembre et que l’accord a été trouvé avant Noël. Les choses se sont accélérées car le Red Star souhaitait m'intégrer assez vite. L’état d’esprit dans lequel je quitte l’OL est assez partagé car j’ai l’impression de ne pas avoir abouti ce que j’avais entrepris, ce que je voulais mettre en place, que ce soit avec les U16 ou de manière générale sur les dossiers que je gérais en matière de méthodologie ou de formation. Mais à côté de cela, je suis très content de rejoindre ce club historique et populaire. C’est un peu difficile pour moi de répondre à cette question. Je ne pars pas avec de l’amertume, mais avec le sentiment du travail pas abouti. C’est sûr que l’Olympique lyonnais est un grand club, une grande académie. La situation actuelle n’a pas orienté ma décision, c’est plus lié à des attentes que j’avais sur le public et le niveau de compétition. Cela a été une belle aventure et je remercie le club de m’avoir donné cette possibilité car je sais que ce n’est pas toujours facile d’intégrer des profils issus du football amateur dans des structures professionnelles. Mon expérience est une bonne chose car elle montre que cela est possible. 

Avez-vous hésité ? 

Lorsqu’on m’a contacté la première fois, j’ai été assez clair en disant que j’étais sous contrat. J’avais malgré tout envie de retrouver ce niveau d’âge et de pratique à moyen terme, j’ai donc quand même tendu l’oreille. Au final, j’ai rencontré des personnes ambitieuses avec qui j’étais humainement et footballistiquement compatible. Je ne souhaitais pas prendre l’OL en otage et mettre ce contact en balance avec mes attentes. Dans cette même période, des éléments ont fait que j’ai compris que ma situation avait peu de chances d’évoluer. C’est pour cette raison que je suis parti. 


"Le club a été assez souple pour résilier mon contrat" 


L’OL a-t-il essayé de vous retenir ? 

Tout est allé vite. De toute manière, c’est une situation qui n’existera pas donc je n’ai pas envie de me prendre la tête avec cela. J’avais pris ma décision et ne serais pas revenu dessus. Le club a été assez souple pour résilier mon contrat.

Comment votre groupe a-t-il réagi à cette annonce ? 

Ce qui m'a dérangé dans cette situation, c’est que l’information ait fuité. Je pense que beaucoup de monde était au courant avant qu’elle ne sorte mais ils ont eu la décence de laisser les choses se faire et surtout, de préserver les jeunes. Que l'information soit publiée ne me dérangeait pas du tout car pour les trois parties, les choses étaient arrêtées, mais que les joueurs apprennent cela par voie de presse...(il hésite) ce n’était pas très corporate on va dire. Je n’en veux pas au journaliste, j’en veux plus à la personne qui a parlé, que je connais mais qui ne s’est pas manifestée auprès de moi depuis… 

Il y a eu quelques jours entre le moment où l’information est sortie et le moment où j’ai rencontré les joueurs. J’ai donc essayé de tempérer en leur envoyant un message collectif disant que des informations étaient parues mais que je leur en parlerai de vive voix. Le lundi 3 janvier, nous avons fait une réunion avec le groupe pour que j’assume ce choix devant eux. Je pense que le climat a été impacté par la fuite de l’information.

Peut-être que cela a aidé certains à l’entendre, d’autres étaient peut-être déjà passés à autre chose, on ne saura jamais. Nous avions une relation de confiance avec les jeunes et beaucoup d’attentes par rapport à leur engagement dans leur propre projet de formation. Malgré tout, il y a quelque chose de très positif pour eux dans cette histoire, c’est que le staff en place reste. Cela va donner de la continuité. C'est sûr qu’ils vont un peu modifier le système d’entrainement qu’on avait élaboré ensemble pour l’adapter à leur personnalité, mais cela restera dans la même veine, avec les mêmes processus d’entrainement, la même méthodologie, et cela n’aura pas vocation à perturber les joueurs. Ce sera le même discours mais porté par une autre personne, donc forcément un peu différent, même s’il sera dans la lignée, j’en suis sûr. 


"J’ai l’impression d’avoir rendu une bonne copie" 


Quel bilan tirez-vous de votre passage à l’OL sur le plan sportif ? 

J’ai eu la chance d’encadrer trois générations différentes, 2004, 2005 et 2006 et les meilleurs joueurs 2007. Au travers de cette expérience, j’ai l’impression d’avoir rendu une bonne copie, d’avoir été au service de la formation des jeunes, d’avoir créé les conditions de leur épanouissement personnel et sportif. C’est une étape importante dans leur cursus de formation car la catégorie U16 est un peu la courroie de transmission entre la préformation et l’intégration du centre de formation. C'est un filtre dans lequel nous mettions énormément d’exigence de manière à les préparer à entrer dans une dynamique pyramidale. On se rapproche du haut, mais il faut passer les étapes. C'est un levier qu’on utilisait dans le management des joueurs.

Sur l’entrainement et le jeu produit en match, la difficulté réside dans le fait que la catégorie U16 n’est pas filmée. Les images ne sont pas partagées sur OLTV, contrairement aux U17, U19 et N2, mais très honnêtement, le jeu produit était de grande qualité et les prestations de haut niveau. Par exemple, lors du dernier derby contre Saint-Etienne,  nous avions adopté un système avec 5 attaquants, donc très offensif, et nous les avons mis en grandes difficulté. Franchement, les joueurs ont produit un match de très grande qualité. C’est ce que j’ai voulu inculquer : la volonté et le courage de jouer et les ressources nécessaires pour le mettre en place. Je pense avoir eu une ligne de conduite par rapport à cela : ne jamais avoir renié ce qu’était l’ADN OL, comment on formait à la Lyonnaise et quels types de joueurs on voulait former. Dans ce sens, j’ai l'impression d’avoir accompli ma mission, même si, comme je vous l’ai déjà dit, elle n’est pas aboutie et qu’elle aurait pu s’exprimer dans un autre contexte. Je pense que les joueurs, à mon contact et à celui du staff que je manageais, ont avancé dans leur propre formation. 

Que cela vous a-t-il appris sur votre métier d’entraineur ? 

Je suis arrivé avec la casquette de celui qui a connu différents niveaux de pratique. Je me suis ouvert aussi à d’autres courants que ceux que l’on utilise généralement en France, notamment le jeu de position et la périodisation tactique. A ma signature, on m’a demandé de questionner le système de formation sur le plan de la méthodologie d'entrainement. Ce sont des travaux que j’ai coordonnés. A l’issue d’une étude sur ce qu’est l’OL, la formation à l’OL, l’identité de formation, les pratiques et les méthodes utilisées, j’ai établi une synthèse de ce qu’était l’ADN OL que j’ai partagée ensuite avec l’ensemble de mes collègues. Chacun avait une idée, mais nous n’avions pas de représentation commune. De manière à valoriser les éléments et les concepts qui ressortaient, j’ai proposé des orientations méthodologiques qui se sont ensuite déployées dans les staffs au travers d’un processus de formation interne.

Une fois que tout cela a été fait, je pense qu’il était temps d’aller plus loin dans l’expertise en augmentant la fréquence et la profondeur d’accompagnement des entraineurs dans l’opérationnalisation de ces orientations. Mais malheureusement, nous sommes arrivés au moment des renouvellements de contrat de la direction du centre et des coachs, donc ce n’était pas une période propice. Même si ce sont des sujets de fond, pour travailler dessus, les personnes ont besoin d’avoir des informations sur leur avenir et être disponibles mentalement. Cette période passée, les sujets allaient revenir sur la table. C’est pour cela que j’ai le sentiment que nous aurions pu approfondir les choses avec le temps. Mon départ ne remet pas en cause ce projet mais je n’en serai plus un acteur direct. En tout cas, je pense avoir initié des choses sur cet aspect et j’espère qu’elles resteront.

Quel bilan tirez-vous sur les formations que vous avez mises en place pour les entraineurs ? 

L’année dernière, pour le lancement, nous avions réuni 300 stagiaires sur quatre mois. Nous étions satisfaits du succès et des retours des participants. Les éducateurs étaient heureux de vivre l’expérience OL en immersion. Mais surtout, j’ai ressenti un fort capital sympathie pour le club, que les gens soient supporteurs de l’OL ou non. Le savoir-faire est reconnu à l’extérieur et cela a motivé les stagiaires à venir. Cette ouverture à un côté positif sur ce plan. C’est très bien de développer des choses en interne mais en faire profiter des personnes intéressées donne une autre utilité à ces éléments. Quelque part, on crée un autre discours et une alternative. Aujourd’hui, il existe les formations fédérales, il y a d’autres courants qui émergent à côté, et ensuite, il y a le courant OL qui commence à faire son chemin. Sur la deuxième année, le contexte était un peu différent car les entraineurs étaient moins disponibles, ils ont repris leurs activités de coach, leur travail pour certains, donc c’était un peu plus difficile de remplir nos formations. Un projet de digitalisation de la formation est mené depuis un an : un module en ligne doit sortir au premier semestre 2022. Il permettra de s'affranchir de toutes les contraintes logistiques. Les gens pourront se connecter quand ils veulent, d’où ils veulent. Ce qui est intéressant, c’est que cela sera ouvert à tous les pays francophones, et nous avions pour projet de le traduire dans d’autres langues si le succès était au rendez-vous. 


"Les formations nous ont permis de créer un réseau d’entraineurs" 


Cela vous a-t-il permis de découvrir des jeunes entraineurs avec des idées novatrices ? 

Ce qui est intéressant, c’est que cela nous a permis de créer un réseau d’entraineurs et de répondre à des besoins. Des stages sont organisés par l’OL dans différents sites, comme à Hauteville, et parfois, des intervenants sont recherchés. “Football Coach Expertise” est devenu le premier centre de recrutement des éducateurs des stages de l’Olympique lyonnais. Ce n’est pas quelque chose qui était initialement prévue, c’est arrivé comme cela. Je trouve cela pertinent car les personnes venues se former et s’imprégner de la culture OL seront de dignes représentants auprès de jeunes qui viennent en stage avec ces attentes. Aussi, cela nous a aussi permis d’identifier des profils intéressants, des profils à suivre. Aujourd'hui, j’entretiens encore des relations régulières avec beaucoup d’entre eux car ce sont des gens avec qui je suis connecté sur le plan des idées. Ils sont dans le giron de l’OL d’une certaine manière. 

Maintenant, place au Red Star, pourquoi ce projet vous a-t-il attiré ? 

Depuis longtemps, j’ai une attention particulière pour ce club historique et populaire. Ce qui m’a toujours plu chez lui, c’est sa communication. Je faisais partie des suiveurs, certes de loin, mais régulièrement quand même. Lorsqu’on m’a exposé le projet, j’ai trouvé de la cohérence entre ce qu’il renvoie à l’extérieur et comment il est construit. Le stade Bauer, qui est une enceinte mythique, est en train d’être rénové. Il sera réaménagé, modernisé, mais en tout cas l’objectif est que le site reste à Saint-Ouen, sur le même espace. Une pelouse naturelle a été installée et les travaux autour sont engagés. Il y a également un autre aspect : le centre d’entraînement, qui est situé à Marville en Seine-Saint-Denis. Ce site est historique dans la ville et il était quasiment laissé à l’abandon. Il a été réhabilité complètement pour en faire un centre d’entraînement flambant neuf avec beaucoup d’espace, ce qui permet son partage avec les sections élites du club. Le Red Star est donc dans une logique cohérente, il fait référence à son histoire et construit le futur. Il bâtit et modernise des infrastructures historiques. Je me retrouve dans cette approche contextualisée.


"La proposition du Red Star m'a placé face à une autre réalité" 


Avez-vous senti que vous n’auriez pas l’opportunité de retrouver ce niveau à l’OL ? 

J’ai déjà connu le niveau National dans mes expériences passées, et c’est un niveau auquel j’aspirais. Je ne suis pas sûr que ces perspectives m’étaient ouvertes à l’OL. Pour être transparent, dès mon arrivée, d’une certaine manière, je me suis mis en configuration pour retrouver ce niveau. J’avais des missions et des dossiers passionnants à gérer donc cela m’a beaucoup mobilisé. Je pense que tout cela a fait avancer les choses au sein de l’académie. Pour autant, sur ma position de coach, il y a une forme de stabilité dans le club qui a fait que les opportunités en interne ne se sont pas présentées. Je m’étais donné comme échéance quatre années, soit deux contrats de deux ans, pour retrouver ce niveau et si toutefois, cela n’arrivait pas, je me serais ouvert à d’autres horizons.

Jusqu’ici, j’avais refusé toutes les autres sollicitations. Mais avec celle du Red Star, j’ai été placé face à une autre réalité. Je me suis entretenu à ce sujet avec le directeur de l’académie (Jean-François Vulliez). Je n’attendais pas de garanties car je sais pertinemment qu’il est très difficile de s’engager. On ne sait jamais ce qu’il peut se passer en un ou deux ans dans un club d’une telle envergure. Je n’ai pas non plus ressenti que si les choses se présentaient, je ferais partie des options possibles. Je me suis donc dit qu’il ne servait à rien d’attendre une chose qui n’arriverait pas, donc autant accélérer les choses et aller vers un projet où l’on m’attendait pour ce que je sais faire.

Passer des jeunes aux adultes, en plus au National, est-ce un travail différent ? 

Lorsque je suis arrivé à l’Olympique lyonnais, on m’a posé la même question, mais dans l’autre sens. Souvent, on m’a catégorisé comme un entraineur d’équipes seniors qui dirigeait des jeunes, donc j’espère qu’aujourd’hui, on ne dira pas l’inverse (sourire). Il y a malgré tout beaucoup de choses qui sont communes, et il y a ensuite des caractéristiques propres à la pratique, à l’âge des footballeurs qui font qu’il y a de légères adaptations à apporter. Ce qui change le plus, c’est la relation avec les joueurs. On passe d’un rapport d’adulte à adolescent à une relation d’adulte à adulte. Mais pour autant, dans un groupe, certains ont 20 ans, d’autres 30 ans, donc des problématiques différentes émergent. Il faut réussir à individualiser la relation et la manière d’entraîner, tout en gardant une identité collective. Pour moi, l’activité de formation et celle d’entraîner des seniors sont exactement les mêmes, il y a juste des variables qui sont différentes et qui impactent la posture que l’on doit adopter et la manière dont on appréhende les choses, mais la logique reste la même. 

Il y a également une différence par rapport à la relation que l’on a avec notre hiérarchie. Si tu es à l’OL, tu dois tout gagner car c’est un grand club, ambitieux, qui doit marquer son territoire. Malgré tout, cela reste dans un cadre de formation et cet aspect reste prioritaire. Au Red Star, il y aura une exigence de résultats et ceux-ci dépendent de notre travail. Je sais très bien que les résultats vont impacter la confiance que les dirigeants m’accorderont. Cela crée un climat un peu différent, mais ce ne sont que des émotions, le travail en lui-même reste identique.


"J’espère impacter, à ma manière"  


Il y aura forcément autour de vous une attente plus grande avec le Red Star qu’avec les U16 de l’OL, craignez-vous cela ou êtes-vous plutôt excité ? 

Non, cela n’a pas vocation à m’inhiber. C’est excitant dans le sens où cela se rapproche du jeu où il faut prendre des initiatives. On s’implique avec une certaine méthode, une philosophie particulière et à la fin, il faut être efficace. De toute manière, que l’on soit efficace pour former un joueur de haut niveau ou pour, à très court terme, remporter des matches et un championnat, pour moi, cela reste la même chose. Mon excitation provient de ce que je fais, pas du contexte dans lequel je le fais. 

Par contre, il y a un élément très fort ici, c’est le soutien populaire autour de l’équipe. Il y avait un match à domicile vendredi (le 7 janvier contre Laval) et malgré la défaite (1-2), les supporteurs étaient proches du groupe, ils ont soutenu l’équipe pendant 90 minutes. C'est un aspect différent. Nous nous devons de répondre aux attentes de ces gens car ils sont là pour le club et pour nous, donc nous devons leur rendre la pareille. 

Comment va s’articuler votre travail auprès d’Habib Beye ? 

J’arrive dans un staff qui était déjà constitué mais qui n’avait pas d’adjoint. Les missions étaient partagées entre les différents membres du staff. J’arrive dans cette organisation avec la casquette d’adjoint numéro 1. Je pense que mon apport se situera dans l’approche de l’entraînement, la méthodologie, l’analyse du jeu, tous ces éléments-là. Je vais essayer d’apporter ma pierre à l’édifice aux côtés des membres qui possèdent leur expertise. L’idée, c’est que notre coopération soit la plus efficace possible. Pour l’instant, je n’ai pas assez d’antériorité pour dire quels sont les effets, je pense qu’il faudra un peu de temps. L’association fonctionnait déjà et je prends le train en marche. J’espère impacter, à ma manière. 

1 commentaire
  1. Avatar
    arnaud1975 - mar 11 Jan 22 à 12 h 39

    Le red star lui va comme un gant

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