OL : « Gerland, quand ça tourne, c’est magnifique »

Depuis près de 30 ans, Christian Lanier, journaliste au Progrès de Lyon, suit de près l'actualité de l’OL. A quelques mois du lancement du Grand Stade, notre confrère est l'auteur d'un livre (Coeur de Lyon) retraçant l'histoire de Gerland, le berceau du club. Confessions.

Olympique-et-lyonnais.com : Comment avez-vous imaginé écrire un livre sur Gerland ?

Christian Lanier : Je me suis aperçu que le Grand Stade allait sortir de terre, que les grues arrivaient. Gerland c’est mon univers de gamin. Les fans de foot y sont allés avec leur père. Mais c’est aussi un quartier. Il y a un siècle, on n’y allait pas, c’était insalubre, il y avait des marécages, des usines chimiques... C’était très populaire, les bons Lyonnais ne voulaient pas y aller. L’histoire de ce bouquin, c’est l’histoire de Gerland.

Justement, quelle est l’histoire de ce quartier ?

Le maire Herriot voulait faire un stade olympique. Tony Garnier est parti sur des arches novatrices et assez belles et le stade a été le premier élément du quartier. Il a permis d’investir ce quartier délaissé et lugubre.

Le stade a donné du dynamisme ?

Complètement ! Sans ce stade, le quartier n’aurait pas évolué. Son seul échec, ce sont les Jeux olympiques. Cette enceinte a espéré les accueillir en 1920, en 1928, en 1968, mais n’est jamais parvenue à les obtenir. Par la suite, c’est devenu un vrai antre, on a enlevé le Vélodrome, puis on a couvert.

Comment avez-vous procédé pour vos recherches?

J’ai beaucoup travaillé aux archives municipales. Et puis, sur l’OL je garde tout. J’ai tous les papiers de journaux depuis plus de 30 ans. J’ai travaillé avec des collectionneurs, qui ont les 30 années que je n’ai pas (rire). Je me suis aidé de confrères également. Yves Billet, qui travaille au rugby, Thierry Meissirel qui a fait tous les grands concerts… Puis toute la documentation du Progrès. C’est la grande richesse d’un vieux journal. Nos archives sont incroyables. Il faut tout retrouver, c’est un boulot ! Tout le monde a fait un travail énorme.

« Gerland n’est pas un stade froid, il y a une vraie belle ambiance »

Quel est votre plus grand souvenir dans ce stade ?

Je ne vais pas être original mais le premier titre de champion de France. Ce n’était pas très attendu. C’était un truc réservé à l’OM, Saint-Etienne… Finalement on se retrouve à ce match que tout le monde avait espéré. Il y avait une drôle d’ambiance. Tout le monde traînait autour du stade vers 14h. Gerland est vite devenu une espèce de cocotte-minute. On savait tous que l’adversaire ne sortirait pas vivant, c’était un très grand moment.

Que pensez-vous de l'ambiance à Gerland ?

Les gens sont souvent très injustes avec ce stade. Comme quoi Gerland serait froid, bourgeois. Je fais pratiquement tous les stades de France et d'Europe.. Je peux vous le dire, Gerland n’est pas un stade froid, il y a une vraie belle ambiance. Il est assez familial mais peut devenir méchant. En fait, il s’est toujours passé quelque chose, il y a toujours eu des conflits ou des joies. Puis, quand ça tourne, c’est magnifique.

L’atmosphère y est particulière ?

Vous savez, pour avoir rencontré beaucoup d’attaquants, les buteurs ont toujours eu de très bons repères, et ce n’est pas anodin. Ce qui l’est encore moins, c’est que les adversaires n'aiment pas le stade. Par exemple, la tribune Jean Bouin fait quand même du bruit, c'est un univers hostile à l'adversaire.

Beaucoup de grands joueurs y ont joué, quelqu’un sort du lot ?

Je pense que Juninho est le joueur qui a le plus marqué ce stade. Après il y en a d’autres. Sonny (Anderson) avait un talent extraordinaire. Il a mis des buts qu’on n'avait jamais vus. Cavéglia aussi, il mettait des buts impressionnants, il était très costaud, savait jouer avec le stade. Puis forcément Di Nallo, un joueur exceptionnel. Chiesa aussi, un espèce d’Iniesta. Bernard Lacombe… Il y en a tellement.

Mais Juninho plus que les autres ?

Juni, vous savez le dernier penalty, pour le 100e but lors du dernier match, c’est digne de Pelé qui met son millième but. Avec les gens qui descendent, qui lui demandent de rester. Puis ses coups francs, il a sorti le club de tellement de moments délicats.

Et aujourd’hui ?

Aujourd’hui, il y a une très belle génération. Fekir et Lacazette sont des garçons imprévisibles et Gerland, c’est une relation très particulière avec les attaquants. Mais il y en a un qui a quelque chose en plus : Maxime Gonalons. C’est un vrai capitaine. Il est génial ce gamin, il est bien élevé, il ne change pas, il ne bouge pas. Même si Naples vient, il vous dit « mon club, c’est l'OL ». Il ira loin après le foot.

« Aucun stade n’a eu autant de matchs européens »

Le stade de Gerland, c’est aussi l’Europe. Vous avez des souvenirs mémorables en Ligue des champions ?

En Ligue des champions, mon plus grand souvenir, c’est le Lyon - Inter (2002). Le 3-3 avec le but de Sonny Anderson. J’ai fait un papier le lendemain où je ne parlais que de ça (rire). C’est un stade qui a beaucoup d’histoire contrairement à ce que disent les gens. Aucun match en France n’a accueilli 110 matchs de coupe d’Europe. Hormis le Parc des Princes, mais c’est à Paris. Aucun stade n’a accueilli cinq fois le Real Madrid par exemple. Il ne manque plus grand chose. Il ne manque que Dortmund ou Chelsea. Plus de 25 Ballons d’Or ont joué dans ce stade.

D’autres souvenirs vous reviennent ?

Il y en a un, en 1997, pendant le Tournoi de France. Un Brésil - Italie qui se termine par un 3-3. Et là, je peux vous le dire c’était… incroyable. Il y avait tout le monde, Del Pierro, Romario, Bebeto, c’était énorme. Il n’y avait que du pur jeu, c’est l'un des plus grands matchs de l’histoire du football.

Sinon, mon premier souvenir. C’était un match de Mario Coluna, en 69-70. Un Portugais en fin de carrière, il avait un touché de balle pas possible. Si je me rappelle bien, c’est un Lyon-Nancy (2-1), tout le monde voulait le voir. Un demi-finaliste de la Coupe du monde en 66. Il n’a pas fait beaucoup de matchs, il était un peu "grossissant" (rire). Il avait un appartement place Carnot. Juste en dessous, il y avait un club de jazz et il en était fan. Un ou deux whiskys ont bien dû y passer (rire).

Vous êtes triste de quitter ce stade ?

Pour moi, c’est terrible, c’est toute une partie de ce que l’on a vécu. Il y a les grands matchs, les grands moments, la pelouse, qui était bichonnée dans les années 70-80. Des gens, y ont passé le bac, sur la piste d’athlétisme. Puis le Gerland de maintenant, c’est le pôle de la recherche, c’est 30 000 emplois. Aucun quartier ne fait autant à Lyon. Le stade a été transformé et ce bouquin c’est aussi toute l’histoire des travaux. Mais c’est aussi pourquoi on ne pouvait pas le garder.

Retrouvez l'ouvrage de Christian Lanier, "Cœur de Lyon", à 19,90€, sur le site Internet du Progrès, à cette adresse.

Crédit photo : Joël Philippon, Le Progrès.