Jean-Michel Aulas
Jean-Michel Aulas (Photo by Philippe DESMAZES / AFP)

OL - Droits TV : "Il faudrait que Jean-Michel Aulas soit un peu plus écouté"

Ce lundi, les diffuseurs intéressés par le droits TV abandonnés par Mediapro vont se manifester. Une journée importante pour le football français que décryptent Vincent Chaudel (fondateur de l'Observatoire du sport business) et Arnaud Simon (ex-directeur général d’Eurosport).

A partir de 10 heures et jusqu’à midi ce lundi, les diffuseurs intéressés pour récupérer les droits TV abandonnés par Mediapro pourront déposer leur offre. Une journée très importante pour le football français. Ce dernier vit actuellement une très grosse crise financière et cet argent serait donc le bienvenu.

Il ne sera pas tiré d'affaire pour autant à la suite de cet appel d’offres, même si celui-ci est fructueux. « Il sera en moins mauvaise posture, mais pas sauvé. Aujourd’hui, il est en grand danger. Je pense que l’on peut atteindre 750 millions d'euros. Il y a des raisons de ne pas être totalement pessimiste pour le football français, positive Vincent Chaudel, fondateur de l’Observatoire du sport business. Mais pour autant, si on atteint cette somme, tout ne sera pas réglé car les clubs ont investi en transferts et en salaires sur la base du chèque précédent (1,150 G), c’est ce qu’ils pensaient avoir. »

« A court terme, il évite le crash »

Un constat validé par Arnaud Simon, ex-directeur général d’Eurosport et fondateur de l’entreprise In & OutStories. « A court terme, il évite le crash. Il ne sera sauvé que si les modalités des accords qui sont signés avec d’éventuels diffuseurs ce lundi engagent véritablement la route vers les nouveaux modes de consommation et de distribution », ajoute-t-il.

En effet, comme le réclame Jean-Michel Aulas, le championnat hexagonal doit se réinventer pour se sortir de cette situation difficile. Toutefois, cela ne se fera pas dès ce 1er février 2021 estime Vincent Chaudel. « Le pay-per-view, c’est très risqué. Techniquement, on sait le faire. Dès le 5 février, on pourrait mettre tous les matches de cette manière. Mais ça veut dire que les clubs n’auront aucune visibilité sur leurs revenus. A chaque match, les recettes seront différentes. Cela va générer des tensions entre eux car va alors se poser la question de la répartition de l’argent, affirme-t-il. Je crois davantage à l’OTT (service par contournement), je ne dis pas que ça va se faire. Selon moi, cette option est crédible à partir de 2024 car aujourd'hui, c’est encore trop tôt. Ce qu’évoque Aulas avec le Spotify du foot, je pense qu’il a raison. »

« Cet appel d’offres me semble un peu précipité »

En attendant, si la consultation lancée le 19 janvier devait échouer, cela ne serait pas forcément une mauvaise chose pour le football français, au moins sur le long terme. « Cet appel d’offres me semble un peu précipité. Je comprendre l’urgence de trésorerie pour les clubs. J’aurais plutôt milité pour un appel d’offres, certes rapide, mais plutôt lancé dans deux mois avec une prise d’effet la saison prochaine, propose Arnaud Simon. Tout d’abord car il faut réfléchir à ces nouveaux modes de consommation et comprendre comment on peut en tenir compte. Deuxièmement, les conditions juridiques ne sont pas favorables avec Canal qui attaque la Ligue. Les deux mois auraient pu permettre de clarifier la situation et de l’apaiser. »

Ce conflit entre la LFP et la chaîne cryptée pourrait pousser les potentielles entreprises intéressées à regarder attentivement ce qu’il se passe en France. « Il y a un coup à faire. Si vous êtes diffuseur, vous pouvez tenter le coup. Ça ne coûte pas grand-chose et vous ne risquez rien, pense Vincent Chaudel. Les tensions entre Canal et la Ligue renforce le fait qu’il y ait un coup à jouer et incite d’autres acteurs à venir. »

Le contexte serait tout de même trop pesant d’après l’ex-directeur général d’Eurosport. « La Ligue 1 est en solde. Et là où un pure player aurait pu y penser plus tardivement, il va maintenant regarder ça avec attention. Mais, les groupes internationaux aiment bien que juridiquement, tout soit clair, annonce-t-il. Il y a donc une opportunité, mais dans un contexte à risque. Ça peut être l’opportunité d'une bonne affaire pour les nouveaux entrants, mais je reste sceptique. »

« Il y a un risque pour Canal »

Le diffuseur historique de la Ligue 1 impose un rapport de forces à l'instance dirigée par Vincent Labrune, notamment avec ses actions en justice à son encontre. Ces dernières semaines ont renforcé l'idée qu’il a l’avenir du football français entre ses mains. « Il l’aurait eu si le lot 3 avait été remis en cause. Là, il ne l’a pas tout seul. Si on regarde bien, on a des acteurs comme Amazon, qui ont un potentiel d’achat considérable. Jusqu’ici, les GAFA s’intéressent au sport, mais par petites touches, constate Vincent Chaudel. Ils tâtent le marché. Le lot 1 peut être intéressant pour eux car les gros matches parlent à l’international. Ils pourraient saisir l’opportunité d’avoir des droits TV à bas prix par rapport aux autres championnats. Il y a donc un risque pour Canal. »

Le fondateur de In & OutStories n’est pas tout à fait d’accord avec cela. D’après lui, la chaîne du groupe Vivendi détient « en partie » le destin du ballon rond hexagonal. « Le Canal d’aujourd’hui n’est pas celui d’il y a 5 ans. Ce n’est plus seulement une chaîne du câble. C’est une plateforme digitale avec toute les offres qu’il propose. Il a moins un besoin vital de la Ligue 1 qu’avant. C’est important à prendre en compte. C’est pour ça qu’il peut se permettre d’être aussi dur. Potentiellement, il peut peut-être vivre sans, ce qui n’était pas le cas avant. Il a en plus les droits de la Ligue des champions, rappelle Arnaud Simon. Il serait mieux avec, mais il pourrait peut-être vivre sans. »

« Si Canal n’a pas de lot ce lundi, va-t-il payer, probablement pas »

Le lot numéro 3 est donc le point important de ces droits TV. Celui-ci est la propriété de beIN Sports, qui l’a sous-licencié à Canal +. « Si Canal n’a pas le lot 1, ils vont le porter devant le tribunal de commerce en disant, non, cet appel d’offres devait intégrer le lot 3. On est sur quelque chose de très glissant juridiquement, prévient Arnaud Simon. Et que va-t-il se passer le 5 février, lorsque Canal devra payer une partie de la somme due pour le lot 3 ? S’il n’a pas de lot ce lundi, va-t-il payer ? Probablement pas. »

Malgré toutes ces difficultés, Vincent Chaudel ne « croit pas à l’option Téléfoot » si la consultation échoue. D’après le fondateur de l’Observatoire du sport business, les matches seront retransmis sur une autre chaîne. « Je n'imagine pas un écran noir non plus. S’il n’y a pas les réponses satisfaisantes lors de l’appel d’offres, il y aura une négociation de gré à gré, explique-t-il. Entre-temps, je pense que les matches seront diffusés par un autre acteur que par le groupe Mediapro selon moi car ils sont grandement responsables de cette situation, même s’ils ne sont pas les seuls. »

« La Ligue doit prendre en mains son destin

Si le contexte actuel semble morose, Arnaud Simon espère que cela aboutira tout de même sur un réveil des dirigeants français pour redresser la pente et basculer vers un avenir meilleur. « De ces grandes crises sortent toujours des opportunités. Ça peut être un réveil brutal mais avec une prise conscience pour monde qu’une ligue ne peut pas juste se mettre en mode confort et compter sur les droits TV pour ramener des revenus. Elle doit prendre en main son destin. A long terme, cela peut être salutaire même si dans un avenir proche, cela est synonyme de revenus en moins. Quelque part, c’est plutôt une bonne nouvelle que Mediapro soit sorti du jeu, même si ça fait mal aux finances, car leur modèle n’était pas adapté à la façon dont les gens veulent consommer du contenu", ose-t-il.

Et de conclure : "Finalement, il vaut mieux stopper tout, car cela peut permettre de repartir sur des bonnes bases. Il faudrait que Jean-Michel Aulas soit un peu plus écouté et que ça soit traduit par des faits. La Ligue 1 reste un très beau championnat, une belle marque et ça, c’est un atout indéniable. Mais il faut savoir comment s’en servir et comment s’adresser aux consommateurs. C’est un monde qui change complètement. »

2 commentaires
  1. OLVictory
    OLVictory - lun 1 Fév 21 à 10 h 32

    On dirait que la LFP se tue à force de prendre systématiquement la plus mauvaise décision à chaque occasion.
    Sans revenir à la genèse de cet accident industriel, cet appel d'offre dans l'urgence c'est tout le contraire de ce qu'il fallait faire. Il aurait fallu négocier avec Mediapro, se mettre à genoux si besoin pour tenter de récupérer le moindre sou et pendant ce temps gagner du temps pour trouver un repreneur solvable et qui tienne à diffuser la L1.
    Là ils ont fait les kékés à refuser les négos, ils se retrouvent à poil sans aucune rentrée et Canal se venge minablement en leur chiant dans les bottes.
    Leur orgueil leur coûte très cher.

  2. Avatar
    OctoGone - lun 1 Fév 21 à 12 h 52

    Oui, il faut écouter JMA.
    Canal n'a pas participé à l'appel d'offres, la LFP est dans une mouise pas possible.
    Revenons 7 mois en arrière quand JMA se battait seul pour que le championnat reprenne, en annonçant dans le cas contraire de graves problèmes à venir pour le foot français. Nous y sommes, et je pense encore plus mal que ce que les plus pessimistes pouvaient imaginer.
    Les autres présidents ont préféré dévaloriser la L1 pour jouer leur carte perso et claironnaient dans les médias leur succès de l'époque.
    On voit ce que ça donne de ne pas écouter le meilleur d'entre eux.

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