(Photo by PHILIPPE MERLE / AFP)

ASSE - OL : "Avant, il y avait du respect", lâche Lilian Compan

Ancien attaquant stéphanois (2002-2005) et ancien entraîneur de l’équipe U19 dans le Forez (2017-2018), Lilian Compan se confie pour olympique-et-lyonnais.com avant le derby de ce dimanche. S’il est forcément inquiet par la dynamique actuelle des hommes de Claude Puel, il espère que, sur un match, l’AS Saint-Etienne arrive à prendre la mesure des Lyonnais.

Olympique-et-Lyonnais.com : Avant d’affronter un OL sur une pente ascendante depuis plusieurs semaines, Saint-Etienne est actuellement bon dernier de Ligue 1 avec seulement trois points au compteur. Comment voyez-vous cette rencontre ?

Lilian Compan : Avec ce classement, les Stéphanois aborderont le match en étant forcément atteint moralement, au contraire de Lyon qui se déplacera à Geoffroy Guichard avec confiance et sérénité. Mais le derby entre les deux clubs est toujours un événement particulier donc sur un match, tout un possible. Un peu à l’instar des rencontres de Coupe de France. Il ne faut pas se leurrer, aujourd’hui, il y a un monde d’écart entre l’OL et l’ASSE. Le début de saison des Verts est catastrophique et pousse à une réelle inquiétude. Les Lyonnais sont-eux, sur une dynamique plutôt positive.

J’aimerai sincèrement une victoire de Saint-Etienne mais c’est avant tout le cœur qui parle. En tout cas, je n’espère pas que les Verts prennent une troisième fessée comme ce fut déjà le cas deux fois en trois ans. On ne peut pas perdre un derby aussi largement en baissant les bras et sans se battre. Ce qui s’est passé lors de ces deux matches n’était pas acceptable.

Comment expliquez-vous les difficultés actuelles des Stéphanois, eux qui avaient terminé la saison passée à la 11e place ?

Quand j’ai quitté le club en 2018, la direction tapait sur les cadres de l’époque. Mais des cadres, il en faut en Ligue 1 ! Aujourd’hui, l’effectif stéphanois est beaucoup trop jeune et ce déficit d’expérience se paye cash au plus haut niveau. Le club mise sur ces jeunes du centre de formation mais pas forcément pour les bonnes raisons. Je citerai l’exemple de Wesley Fofana et William Saliba qui sont de très bons joueurs et qui ont été vendus dès lors qu’ils avaient une vraie valeur marchande. Alors certes il y a une réalité économique qui n’est pas forcément favorable au club mais quel est le message envoyé ?

Dès qu’un jeune à une valeur marchande, on le vend. A côté de ça, tous les cadres ou presque ont été priés de partir pour diverses raisons plus ou moins acceptables. Mais aujourd’hui, la réalité est là. L’AS Saint-Etienne a un effectif beaucoup trop déséquilibré entre les jeunes et les joueurs d’expériences.


"Les jeunes ont davantage la culture du derby"


On sait que les jeunes joueurs du club sont toujours plus imprégnés par la notion de derby que les joueurs recrutés. Partagez-vous ce sentiment ?

Bien sûr, c’est une évidence ! Que ce soit à Lyon, comme à Saint-Etienne, les derbys sont ancrés dans l’ADN de chaque club dès le plus jeune âge. D’ailleurs, l’ASSE doit s’appuyer là-dessus car les jeunes connaissent l’importance de ce match et en ont déjà joué de nombreux en équipes de jeunes. Maintenant, est-ce qu’ils auront le niveau de ce type de matches ? C’est un autre débat. Surtout que, côté lyonnais, il y a aussi pas mal de joueurs formés aux clubs comme Lopes, Aouar, Caqueret et maintenant Gusto donc, ils ont, eux aussi la culture du derby.

Ancien de l’Olympique lyonnais, le coach stéphanois Claude Puel est aujourd’hui sur la sellette, du fait des mauvais résultats du club. Pensez-vous qu’une défaite dans le derby sonnerait le glas du technicien de 61 ans ?

Il est évident qu’avec aucune victoire en huit matches, le coach est forcément menacé. Claude Puel est un formateur donc pour driver une équipe composée pour une grande majorité de jeunes joueurs, le projet est plutôt cohérent. Mais comme je l’ai évoqué précédemment, il y a trop de jeunes joueurs. A partir de là, il n’est pas facile pour lui d’avoir les résultats escomptés. Pour en revenir à la rencontre de ce soir, je pense que si l’ASSE concède une nouvelle défaite, le départ de Claude Puel sera plus que jamais d’actualité.


"Il y a un monde d'écart entre l'OL et l'ASSE"


Même tactiquement, on a l’impression que Saint-Etienne se cherche un peu depuis le début de la saison. Quelle tactique adopteriez-vous pour gêner le jeu lyonnais basé sur la possession de balle, le mouvement et une énorme débauche d’énergie ?

Je pense qu’actuellement, la défense à 5 est incontournable car l’équipe a besoin de se rassurer défensivement. Certes, en phase offensive, les pistons de côté peuvent et doivent se projeter mais je ne tenterai pas un retour à une défense à 4 sur ce match, cela me parait trop risqué. Pour moi, l’AS Saint-Etienne doit miser sur les contre-attaques car l’OL laisse pas mal d’espaces. Les Stéphanois ont la qualité pour cela avec des joueurs comme Nordin, Hamouma ou Bouanga.

Après, concernant Denis Bouanga, c’est dommage de l’utiliser en tant qu’ailier droit mais il faut dire les choses, il n’y a personne de vraiment performant à ce poste-là. Donc c’est un choix qui résulte de la force de choses plutôt que d’une réelle volonté. Enfin, à mon avis, les Stéphanois devraient laisser la possession à l’OL et presser haut afin de récupérer des ballons haut.

Vous avez eu l’occasion de jouer ce fameux derby lorsque vous portiez les couleurs stéphanoises. Qu’est ce qui a changé entre le derby de maintenant et celui que vous avez connu au début des années 2000 ?

A mon époque, il y avait du respect. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il y a de la haine et c’est bien dommage. C’est démesuré à mon goût. Certains mettront ça sous la coupe de la passion mais je perçois ça davantage comme un prétexte. Avant, on pouvait discuter. Sur le terrain, c’était la guerre mais après on pouvait aller boire un verre ensemble. C'est d'ailleurs arrivé que je croise des joueurs lyonnais et que l'on partage un verre ensemble.

Aujourd’hui, ça me parait vraiment compliqué qu’une telle situation se produise. Certes, nous n’étions pas les meilleurs amis du monde mais il y avait du respect et c’est le plus important à mes yeux.


"Cris m’a cassé la jambe…Mais il m’a appelé derrière"


Nous imaginons que votre derby le plus marquant restera celui du 26 février 2005. Ce jour-là vous réduisez le score à 3-2 à Gerland mais sur cette action, vous être victime d’une fracture du tibia à la suite d’un contact avec Cris…

Oui forcément, cela reste un souvenir particulier. Quand je parle de respect, on tient ici un exemple frappant. Cris m’a cassé la jambe ce jour-là. Mais derrière, il m’a appelé pour prendre de mes nouvelles. Claudio Caçapa a fait de même. J’ai croisé Juninho à la cérémonie UNFP et on a longuement échangé également. Ce sont des gestes qui m’ont énormément touché. La rivalité sportive est une chose, l’humanité en est une autre. Aujourd’hui, je ne sais pas si les choses se passeraient de la même façon, j’ai l’impression que les joueurs modernes sont davantage centrés sur eux-mêmes.

A cette époque, vous affrontiez une équipe de l’OL à l’apogée de son histoire. L’écart était abyssal avec votre Saint-Etienne. L’écart est le même aujourd’hui selon vous ?

Comme je l’ai précisé, il y un monde d’écart aujourd’hui entre les deux équipes, comme il y avait déjà un monde d’écart entre nous et eux. Mais nous, jamais on n’a perdu et jamais on n’aurait perdu 5-0. On cherchait à compenser notre déficit technique par de l’envie et de l’abnégation. C’est ce qui nous a fait que l’on se surpassait dans ce genre de rencontres. Cela a plutôt bien marché car les matches étaient souvent très serrés.


"En France, les clubs recrutent un entraîneur avant tout grâce à leur CV"


Vous avez choisi de devenir entraîneur. Que pensez-vous de la vague d’entraîneurs étrangers débarquée récemment en Ligue 1 à l’Image de Peter Bosz, Jorge Sampaoli, Nico Kovac, Mauricio Pochettino ou encore Vladimir Petkovic ? Est-ce un frein pour le développement des entraîneurs français ?

Les entraineurs étrangers apportent leurs visions du football et du jeu. Donc ça ne peut être qu’une bonne chose. On voit que le niveau de jeu de la Ligue 1 est aujourd’hui très intéressant. A mes yeux, le problème pour les entraîneurs français en devenir est qu’il y a trop de turnover sur des techniciens hexagonaux expérimentés. De ce fait, il n’y a pas de place pour les jeunes techniciens et ils mettent, ainsi, plus de temps à percer. Aujourd’hui, un entraineur français va percer, en Ligue 1, autour de 50 ans alors qu’il a les capacités pour le faire cinq ans auparavant.

En Allemagne, ils ont énormément confiance en leurs jeunes techniciens et ils ont leur chance. Le meilleur exemple est Julian Nagelsmann (qui a 34 ans, ndlr). En France, les clubs recrutent avant tout un CV. Ainsi, les jeunes entraîneurs doivent souvent faire leurs gammes dans des divisions inférieures. Et cela prend beaucoup de temps.

Dernière question plus personnelle, vous avez récemment été démis de vos fonctions d’entraîneur principal du Hyères FC (National 2). Comment voyez-vous votre avenir ?

J’occupe encore certaines fonctions au sein du Hyères FC mais j’ai cette volonté d’entraîner et de diriger une équipe première. J’ai géré les U19 de l’AS Saint-Etienne mais ce ne sont pas les mêmes missions. Je ne dis pas que le score n’est pas important dans les équipes de jeunes mais le style de jeu et le côté formation prennent le pas sur le reste.

J’ai beaucoup apprécié coacher en National 2 car le niveau est de plus en plus haut. Puis nous sommes davantage dans la compétition que pour une équipe de jeunes car là, c’est une équipe première. Et moi, ce qui me motive dans le football, c’est la compétition !

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