Le périple de Frédéric, supporteur de l'OL, de l’Ukraine à la Moldavie

La guerre entre la Russie et l’Ukraine a éclaté la semaine dernière avec les premiers bombardements russes. Une invasion qui a obligé des milliers de personnes, dont Frédéric Panier, supporteur de l’OL résident à Odessa, à partir pour la Moldavie voisine. Il nous raconte son périple à travers l’Europe de l’Est.

Au départ, Frédéric Panier devait rester trois semaines en Ukraine pour son boulot. Ce presque cinquantenaire est entrepreneur et travaille dans le commerce international. En 2020, il se rend à Odessa, ville portuaire de la mer Noire. Bloqué à cause de la pandémie, il décide finalement de s’y installer pour mener sa vie dans cette région “la plus sympathique” du pays comme elle se définit. Originaire de Lyon, ce supporteur de l’OL a donc commencé à s’intégrer dans ce nouvel environnement, lui qui, de par son métier, a beaucoup voyagé. 

Mais cette quiétude est depuis la semaine dernière troublée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Au matin du 24 février, Frédéric est réveillé à 5h30 par le bruit des bombes. “L’explosion était très puissante et j’ai tout de suite reçu des messages de mes amis qui se trouvent un peu partout dans le pays. Ils demandaient si nous avions entendu les explosions, mais dans les autres villes. On a compris que c’était le lancement de l’attaque russe car c’était synchronisé, nous confie-t-il. De là, panique générale car je n’ai jamais expérimenté ce genre de situation.”

Un objectif, partir d'Ukraine

Dès lors, l’expatrié s’organise avec des compatriotes. L’objectif est de lever le camp car les échanges de tirs s’intensifient, et ce malgré les recommandations de l’ambassade de ne pas quitter son domicile. “On a essayé de s’organiser entre Français pour savoir ce qu’on allait faire. On était quatre, ce qui nous a permis de nous soutenir. Ç'a été un grand moment d’amitié et on n'oubliera pas ces instants passés ensemble. Malgré les préconisations des autorités, on a décidé lundi matin de partir de la région, surtout en voyant l'intensité des bombardements sur Kiev, explique l’homme de 49 ans. On ne voulait pas subir la même chose. Il fallait que le déplacement soit le plus court possible en temps sur le territoire ukrainien.” 

Ce départ pour la Moldavie, pays limitrophe, se fait donc en voiture grâce à un taxi. Le trajet est logiquement un peu plus long qu’à l’ordinaire. “En temps normal, pour rejoindre la frontière on a une heure de route, mais là, on en a mis plus de deux. Le transport s’est bien passé. J’ai craint juste un moment lorsque nous sommes sortis d’Odessa, admet Frédéric Panier. On était dans un point stratégique, il y avait un bouchon. Je me disais qu’il ne fallait pas qu’il y ait une attaque maintenant, mais finalement, il n’y a rien eu.”

Une fois là-bas, le groupe est resté “dans le froid” durant trois heures avec les autres réfugiés. “On a été contrôlés puis pris en charge par les autorités moldaves qui nous ont offert le transport jusqu’à Chișinău (la capitale).” Après une nuit dans une auberge de jeunesse, Frédéric se trouve désormais dans un hôtel pour trois jours. Il a ensuite loué un appartement à partir de vendredi pour rester. L'entrepreneur lyonnais souhaite s’investir pour secourir les Ukrainiens qui affluent en nombre chez leur voisin, ce qui va créer de gros problèmes d'accueil. “Je veux rester ici, je suis en colère et je souhaite les aider dans cette situation car je suis en mesure de le faire. Apporter mon soutien aux autres m’aide à oublier cette pression de la guerre, justifie-t-il. Cela me permet d’être moins focalisé sur les événements autour.”  

L'association Vent d'Est vient en aide aux réfugiés

Alors pour se rendre utile, Frédéric Panier s’est rapproché d’un ami, également lyonnais, Thierry Ernst. Ce dernier dirige avec sa femme l’association Vent d’Est, qui vient en aide à la population précaire de Moldavie. L’objectif est de trouver des fonds et des logements, notamment dans le Rhône, pour leur permettre d’aller dans l'Hexagone, ou dans d’autres pays d’Europe. “Des gens arrivent, ils sont dans une situation d’urgence, et en même temps, ils vont devoir partir car c’est une solution provisoire. Par exemple, pour une famille, ils veulent leur donner une semaine de cours de français pour qu’ils puissent se préparer et ne pas arriver en France sans avoir du vocabulaire pour se faire comprendre, raconte Frédéric. Ce qui est important, c’est qu’ils puissent partir en sachant que quelqu’un les attend à destination. C'est très rassurant psychologiquement pour des réfugiés qui ont parfois tout perdu.”  

Depuis Chișinău, l'espace aérien est coupé, ce qui complique fortement les départs des immigrés. “Certains partent sur Bucarest (Roumanie), nous décrit l’entrepreneur. Ils peuvent prendre des vols à moindre coût pour Lyon, qui sont deux villes jumelées. On se concentre pour faire partir les gens par là. Mais dans d’autres cas, ce n’est pas possible donc il faut passer par le train par exemple, et puis il y a aussi les différents cas particuliers. On peut planifier certaines choses, mais pas tout. L’objectif est de sortir de l’urgence pour trouver des solutions un peu plus viables pour chacun.” Sur place, les membres de l'association continuent de travailler pour organiser du mieux possible tout ce cheminement. 

Cette situation a réveillé des choses chez Frédéric. “Tu développes un instinct de survie. Par exemple, en Ukraine, on a mis du scotch sur les vitres pour se protéger en cas d’explosion et éviter d’être blessé. On a appris à reconnaître les soldats russes et ukrainiens très rapidement pour savoir à qui on parlait si on devait échanger avec eux. Il y a plein de petites choses comme ça, que dans la vie de tous les jours on ne fait pas. Lundi soir, on était à Chișinău, on était en sécurité. A un moment donné, il y a eu un bruit qui ressemblait à une explosion. On s’est regardé dans les yeux avec les autres pour savoir si c’était ça, mais ça ne l’était pas, se remémore-t-il. Tu passes également beaucoup de temps à rassurer tes proches et tes amis. On a été heureux de voir tout ce soutien.”  

Frédéric est toujours attaché à l'OL

Malgré la distance et les circonstances dans lesquelles il se trouve, ce supporteur de l’OL n’oublie pas sa passion pour son club de cœur, qu’il suit attentivement depuis 2008-2009. “Je ne me suis jamais posé la question, mais cet amour est venu au fil du temps. Tu vois un match, ça t’a plu, puis tu en vois un autre et un autre, ensuite, tu deviens addict, tu ne lâches plus l’affaire, apprécie Frédéric. Il y a quelque chose de spécial à Lyon qui est très difficile à décrypter. Jean-Michel Aulas a fait un travail extraordinaire, c’est un grand président. Il y a également cette force d’investir dans la formation. Il y a un attachement, et on sent que l’Olympique lyonnais n’est pas juste un produit financier. C'est une maison attachée à la ville de Lyon. Dans le jeu, j’aime que cette équipe essaye d’être portée vers l’attaque. Même si les heures de gloire sont passées avec la grande époque de Juninho, j’apprécie qu’on tente de reconstruire tout cela.”

Toutefois, voir une rencontre des coéquipiers de Léo Dubois reste difficile car il n’existe aucune solution légale pour regarder les parties. Il doit se contenter du streaming, ce qui ne le réjouit pas, même s'il reste motivé. Le fan rhodanien serait d’ailleurs prêt à payer pour pouvoir accéder aux matches de l’OL dans de bonnes conditions. Un de ses regrets est de ne pas avoir pu assister à une affiche au stade. “Mais je compte bien remédier à ça et ça sera un grand moment”, nous assure ce suiveur fidèle de l'émission "Tant qu'il y aura des Gones" chaque lundi.

Aujourd’hui néanmoins, les priorités de Frédéric Panier sont ailleurs. Une fois ce terrible conflit terminé, il espère revenir à Odessa pour poursuivre son apprentissage du russe, une langue qu'enseignait sa grand-mère serbe. "J’allais à l’université deux ou trois fois par semaine pour des cours particuliers. C’est difficile, il faut du temps et de la motivation, mais maintenant, j’arrive à me débrouiller un peu, surtout sur la compréhension. J’espère que je pourrai continuer tout ça, positive-t-il. C’est une ville très tolérante concernant les religions et les étrangers. La population est multiculturelle. On s’y sent en sécurité.” Même si actuellement, la guerre fait rage en Ukraine, le Lyonnais n’en reste pas moins attaché à ce pays et à cette ville. Il espère bien pouvoir revoir très vite le célèbre opéra qui fait la fierté de ses habitants.

Pour faire un don à l'association Vent d'Est, qui vient en aide aux réfugiés ukrainiens actuellement en Moldavie, vous pouvez vous rendre sur ce lien