Victime d’une rupture du ligament croisé du genou droit en août dernier, Jessica Houara-d'Hommeaux (30 ans) a profité de sa blessure pour préparer sa reconversion dans les médias. Bientôt de retour à la compétition, la latérale de l’Olympique lyonnais fait de la Coupe du monde 2019 en France son objectif majeur. Entretien.
Olympique-et-lyonnais.com : Comment se déroule votre quotidien depuis le 20 août dernier, date de votre blessure ?
Jessica Houara-d'Hommeaux : Tout se passe bien. Mon quotidien est fait de soins et depuis quelque temps de courses et de préparation physique. Depuis lundi, j’ai aussi repris le ballon. Je vois le bout du tunnel. Je suis contente, je commence à revenir au meilleur de ma forme. Ça va bientôt faire six mois que j’étais blessée, j’en ai profité pour me ressourcer en famille, profiter de mes amis et puis préparer ma reconversion dans les médias.
Durant cette longue blessure, avez-vous vécu des moments plus difficiles que d'autres ?
Honnêtement, non. J’ai trouvé que ces six mois sont passés vite. C’est peut-être un peu paradoxal ce que je vais dire, mais cette blessure a été un mal pour un bien. Ça fait 15 ans que j’étais dans le sport de haut niveau et inconsciemment j’étais un fatiguée mentalement. Ça m’a permis de me ressourcer, de prendre un souffle nouveau pour la fin de ma carrière. J’ai très bien vécu cette blessure.
Vous avez repris le ballon lundi, ça doit faire quelque chose après tout ce temps…
Ça fait énormément plaisir de toucher le ballon ! Surtout quand ça fait deux mois qu’on ne fait que courir. C’est quelque chose que j’attendais depuis longtemps.
Nabil Fekir, qui a été victime de la même blessure en septembre 2015, vous a-t-il envoyé un message de soutien ?
Non, j’ai eu un message d’Alex Lacazette quand je me suis blessée, il m’a souhaité bon courage pour ma rééducation. Ça a été un des seuls joueurs lyonnais à me souhaiter un bon rétablissement. Après, j’en ai croisé un ou deux qui me souhaitaient bon courage.
Quand est prévu votre retour à la compétition ?
C’est compliqué de donner une date, à partir des six mois on juge le retour « à la sensation », comme les médecins le disent. J’espère déjà un retour à l’entraînement collectif dans deux, trois semaines. Après, le reste suivra.
« Au tout début de la saison, j’avais demandé à quitter le club »
Quand on voit ses amies enchaîner les victoires tous les week-ends, on a forcément envie d’être avec elles sur le terrain…
Les victoires, c’était déjà le cas la saison dernière (rires). Mais forcément j’ai envie d’être avec elles, d’être sur le terrain et de jouer. Maintenant, je suis à fond derrière elles, je suis leur première supportrice. Je les félicite pour tout ce qu’elles font depuis le début de la saison, elles marquent énormément de buts, elles en prennent très peu puis elles gagnent tout.
L’équipe donne l’impression de mieux jouer depuis l’arrivée de Reynald Pedros. Vous partagez cette impression ?
Peut-être, oui. Il y a l’arrivée du nouveau staff mais il ne faut pas oublier, non plus, qu’il y a eu l’arrivée de nouvelles joueuses. Notre groupe s’est encore plus renforcé avec l’arrivée d’internationales comme Lucy Bronze ou Shanice van de Sanden, qui sont des joueuses de niveau mondial. On a aussi, c’est vrai, un staff et un coach qui aiment jouer au ballon, qui apportent autre chose que la possession. On avait l’habitude d’être une équipe avec un jeu beaucoup basé sur cet aspect. Là, le coach aime également le jeu rapide vers l’avant, ça amène des variantes.
Plus globalement, qu’est-ce qui a changé depuis l’arrivée de Reynald Pedros ?
Pas énormément de choses, parce que le groupe, au final, reste sensiblement le même que la saison dernière. Comme je l’ai dit, il y a eu l’arrivée de quelques internationales qui amènent une bonne ambiance dans le groupe. A ce niveau, ça a encore évolué positivement.
Vous avez vu débarquer Lucy Bronze quelques jours avant votre blessure, depuis elle est titulaire à droite de la défense et enchaîne les bonnes performances. Cela va être dur de reprendre votre place…
Oui, ça va être difficile. Après, au tout début de la saison, j’avais demandé à quitter le club. Mon départ dépendait ou non de l’arrivée de Lucy Bronze. Ça s’est fait tellement tard que ma porte de sortie s’est fermée. Lucy est quand même arrivée, donc je savais comment ça allait se passer. Le coach m’avait parlé de plutôt évoluer sur le couloir gauche. On verra, je vais déjà reprendre l’entraînement collectif, le reste viendra.
Pour quelle raison souhaitiez-vous partir ?
J’avais juste des envies d’ailleurs. Je pensais avoir fait le tour de la D1 en France. J’avais envie de voir autre chose, j’avais donc demandé à partir. Ça ne s’est pas fait, ensuite je me suis blessée. C’est les aléas d’une carrière de footballeuse.
A l’image d’Amandine Henry, qui est récemment revenue à l’OL, vous aviez envie de découvrir les Etats-Unis, où le championnat de football féminin est très réputé ?
Pas spécialement. L’étranger en particulier, après où ? Je n’ai pas de préférence. Mais j’aimerais voir autre chose avant la fin de ma carrière.
Dernièrement, la mairie de Décines a décidé d’interdire les animations sonores pour les supporters au Groupama OL Training Center. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Je suis triste pour les supporters. Ils viennent tous les dimanches, ils font aussi les déplacements. Ils donnent de la voix et s’aident de tambours ou d’autres choses, c’est tout à fait normal dans un stade de foot. Qu’on leur interdise parce qu’il y a eu des plaintes de voisins, c’est dommage. Les gens savent que c’est un stade, qu’il y aura du bruit les jours des matches, qu’ils s’en plaignent et que les supporters en pâtissent, je trouve ça triste.
« Mon objectif à long terme est clairement de faire partie de la liste pour la Coupe du monde 2019 »
Vous avez vécu un été 2017 difficile, puisqu’en plus de votre blessure, vous avez été éliminée dès les quarts de finale de l’Euro avec l’équipe de France, contre l’Angleterre (0-1). L’ancien sélectionneur Olivier Echouafni a beaucoup été critiqué après cet échec…
Ce n’est pas de la faute d’Olivier Echouafni, comme je l’ai dit tout de suite dans les médias après l’élimination. C’était sa seule défaite en dix mois. Mais je savais que les médias allaient, en partie, mettre cet échec sur son dos. Les 23 joueuses sont les seules responsables. C’est nous qui étions sur le terrain, qui n’avons pas fait les choses comme il le fallait. Bien sûr, on aspirait à mieux mais on va continuer à travailler. On sait que le football de haut niveau se joue sur des détails et pour le moment on n’arrive pas à passer ce cap.
Avec le recul, comprenez-vous cet échec ?
On le comprend sans le comprendre. Après, beaucoup de monde nous a vu très beau, très vite, parce qu’on a fait deux quatrièmes places dans des grands rendez-vous. Mais il ne faut pas oublier que le football féminin français est au haut niveau depuis peu, qu’il faut qu’on travaille. Être troisième au classement FIFA en ayant rien gagné, en ayant même pas fait un podium, je ne pense pas que cela révélait vraiment notre niveau. A l’heure actuelle, on est sixièmes, cela correspond plus à notre niveau du moment. Il faut qu’on progresse, comme les autres nations.
Depuis, Corinne Diacre est arrivée et a changé beaucoup de choses dans cette équipe de France. Avez-vous déjà discuté avec elle ?
Elle a pris des nouvelles concernant ma blessure. Maintenant, on n’a pas du tout parlé d’un éventuel futur rôle dans l’équipe. Il faut déjà que revienne à mon niveau pour pouvoir prétendre à jouer en équipe de France. Chaque chose en son temps.
La nouvelle sélectionneuse a aussi retiré son brassard de capitaine à Wendie Renard qui était légitime dans ce rôle…
Oui, elle l’était. Après il y avait d’autres joueuses qui l’étaient aussi. Parfois, quand un nouveau coach arrive, il nomme un nouveau capitaine. Ce n’est pas quelque chose qui me choque parce que cela se fait souvent. Quoi qu’il en soit, Wendie reste une cadre de l’équipe de France et une joueuse importante. La connaissant, qu’elle ait le brassard ou pas, elle continuera à prendre la parole comme elle le faisait quand elle l’avait.
Comme Nabil Fekir avec l’Euro 2016, votre objectif majeur après votre grave blessure est forcément la Coupe du monde 2019 en France…
Bien évidemment ! Quand on est joueuse de football et qu’on a été internationale, on aspire à jouer cette Coupe du monde en France. Cela serait quelque chose de grandiose. Mon objectif à long terme est clairement de faire partie de cette liste-là.
Placez-vous des attentes particulières autour de cette Coupe du monde ?
J’espère que cela va permettre au football féminin de grandir encore plus en France, qu’il y aura du monde dans les stades, que cela va susciter l’intérêt des médias. L’objectif c’est de le professionnaliser encore un peu plus. Il y a encore beaucoup de travail, on le sait. Et pour que l’équipe de France progresse, il faut que les clubs investissent, que les médias s’intéressent à notre sport, parce que cela passera aussi par les droits télé. Si on veut parvenir à cela, il va falloir, aussi, que l’équipe de France ait des résultats dans les grandes compétitions. Chez nous, cela serait merveilleux.
« Je peux avoir un avis objectif sur les garçons de l’OL, même si je suis joueuse de l’Olympique lyonnais »
Votre grave blessure vous a au moins permis de libérer du temps pour vos activités extérieures et notamment celle de consultante dans l’émission 19h30 PM, le programme de Pierre Ménès sur Canal Plus…
Quand je me suis blessée, Pierre Ménès m’a appelé pour me proposer son concept d’émission. Il m’a dit de réfléchir, de laisser passer l’opération. J’ai demandé l’autorisation à l’OL, qui a très gentiment accepté que je puisse libérer du temps pendant ma blessure, pour avoir un peu d’expérience dans les médias en tant que consultante. Ils sont au courant de ce projet de reconversion. 19h30 PM m’a permis d’engranger de l’expérience tout en continuant ma rééducation.
Maintenant que vous êtes sur le chemin du retour, on risque de moins vous voir dans cette émission…
On va peut-être me voir ponctuellement mais plus aussi souvent. Je suis en priorité joueuse de football, j’ai aussi une carrière. Cette expérience m’a énormément servi, ça me conforte encore plus dans l’idée d’être consultante à la fin de ma carrière. A l’heure actuelle, je me concentre vraiment sur ma reprise.
Vous semblez entretenir une relation particulière avec Pierre Ménès…
Avant cette émission, on s’était croisé une ou deux fois, mais on ne se connaissait pas beaucoup. Il a quand même fait ce pari de me contacter, ça a plutôt bien marché et je lui en serais toujours reconnaissante. Il m’a donné ma chance, j’ai énormément appris auprès de lui et des autres consultants et journalistes que j’ai pu croiser.
Il aussi dit que vous étiez capable d’intervenir dans le Canal Football Club…
(Rires). Ça me fait énormément plaisir. Le CFC reste la référence pour n’importe quel footballeur ou footballeuse. Quand j’ai lu ça dans la presse, je lui ai dit qu’il était fou. Il m’a dit répondu qu’il le pensait vraiment. Ça m’a beaucoup touché.
Est-ce difficile dans une émission consacrée au football, surtout masculin, de donner son avis quand on est une femme ?
Les compétences, surtout dans ce domaine-là, ne sont pas une question de sexe. De plus en plus de femmes montrent qu’elles sont compétentes pour parler de football. Maintenant, ce n’est pas mettre une femme à télé pour mettre une femme, c’est trouver des personnes compétentes pour montrer que tout le monde peut parler football, qu’on soit un homme ou une femme.
Qu’aimez-vous dans ce rôle de consultante ?
J’aime surtout l’analyse technique et tactique d’un match, d’une équipe. Parler football en fait, donner mon avis, aussi, tout en respectant les joueurs ou les entraîneurs. Souvent, les journalistes qui n’ont pas été joueur ou joueuse, qui ne savent pas comment cela se passe au sein d’un club, ont tendance à avoir des avis très tranchés, parfois à l’extrême. Quand on est à l’intérieur, on se rend compte de certaines choses et ce n’est pas tout blanc ou tout noir. J’essaie aussi d’amener cette expérience-là.
On imagine que cela doit être compliqué d’avoir un avis totalement objectif sur les garçons de l’OL, pour qui cela ne va pas fort ces derniers temps…
Je peux avoir un avis objectif, même si je suis joueuse de l’Olympique lyonnais. On sait qu’ils ont des difficultés en ce moment, c’est un petit passage à vide. Mais je fais confiance au staff et aux joueurs pour se remobiliser pour la fin de saison. On sait que cela va être un peu difficile d’accrocher la troisième place, mais c’est encore possible. Il faut retrouver une dynamique, cela passe aussi par un bon match à Villarreal et une qualification en 8es de finale de la Ligue Europa.
Vous côtoyez Pierre Ménès qui n’a pas sa langue dans sa poche. Pour vous, c’est difficile de dire qu’untel ou untel a été mauvais ? Lui, on l’avait, notamment, entendu critiquer vertement Marcelo et Morel après la défaite contre Rennes (0-2)…
Cela dépend de la manière dont on dit les choses. Les journalistes sont parfois très crus dans leur manière de voir les choses et vont un peu loin dans leurs propos. Moi, étant joueuse, je sais quand je suis passée au travers d’un match. Marcelo et Morel, peut-être, sur ce match-là, sont conscients de ne pas avoir réussi leur partie. La charnière centrale a été en difficulté lors de cette rencontre, ce n’est pas difficile de le dire quand c’est dit de la bonne manière, avec les bons mots.
Envisagez-vous de faire une école de journalisme après votre carrière ?
Je ne vais pas reprendre mes études, non. Quand on est consultant, on a plus un apport technique et tactique. C’est comme ça que les duos entre journalistes et consultants fonctionnent, l’un apporte sa connaissance journalistique, l’autre sa connaissance footballistique. Je souhaite continuer à apprendre sur le tas.
On sait donc qu’il y aura plus tard Jessica Houara-d’Hommeaux consultante, Jessica Houara-d’Hommeaux footballeuse, savez-vous jusqu’à quand cela sera ?
C’est difficile de donner une fin. Je veux déjà me donner une chance de jouer la Coupe du monde 2019 en France, après on verra. C’est évident que j’ai aussi un désir de fonder une famille, on verra comment je serais physiquement et mentalement à la fin de cette compétition, si j’ai la chance de la faire. Mais la décision sera bien prise après cette Coupe du monde.
J'ai pas lu l'article mais au moins ça fera un commentaire pour le foot féminin
C'est dommage, l'article est intéressant !