Jean-Michel Aulas rend hommage à Louis Nicollin

Le président de l'OL Jean-Michel Aulas réagit au décès de Louis Nicollin, le président de Montpellier.

Quel sentiment éprouvez-vous après l’annonce de ce brutal décès de Louis Nicollin ? 

C’est un choc. J’étais en assemblée générale quand l’info de la disparition de Loulou est arrivée. Pour moi c’est plus que la perte d’un ami, d’un collègue. C’est celle d’un homme assez exceptionnel. Non seulement il avait cette vison que le football lui a permis d’exprimer, mais c’était un grand chef d’entreprise et peu de monde dans le football le connaissait sous cette dimension. Je suis doublement affecté par cette disparition et c’est vraiment une perte humaine avant toute chose.

On sent l’émotion, c’est quelqu’un dont vous étiez très proche ...

Oui, c’est quelqu’un en qui j’avais toute confiance et c’est aussi quelqu’un qui m’a démontré tout au long de la relation que nous avons eu, combien il pouvait me guider dans le football professionnel que je ne connaissais pas. Il m’a initié sur un certain nombre de sujets qui touchent au football mais il m’a aussi démontré qu’on pouvait avoir un langage fleuri, une attitude démonstrative et particulière, et puis avoir par ailleurs un très grand professionnalisme. Donc c’est vraiment une perte incroyable pour le football français et européen. Il avait à tout point de vue démontré un savoir faire incroyable. Il avait aussi cette manière de s’exprimer qui faisait qu’on était heureux quand on était avec lui car il faisait rire, tout en abordant les sujets importants à sa manière. C’est vraiment un homme délicieux qui s’en va et je ne sais pas comment on va pouvoir le remplacer dans le football français.

« La manière dont il nous quitte lui ressemble tellement, qu’on a l’impression qu’il a tout organisé »

Il pouvait faire rire, mais aussi choquer ...

Quand on le connaissait on savait pertinemment ce qu’il avait voulu dire. Il n’y a que les gens qui ne le connaissaient pas qui pouvaient être choqués. Il avait la manière, le look, qui faisait que les choses passaient, en tout cas pour moi très bien, et on a peine à imaginer que ça s’est passé il y a quelques heures, le jour de son anniversaire. C’est quelque chose qui lui ressemble tellement ... On a l’impression que c’est une farce parce que si sa disparition est d’une tristesse absolue, la manière dont il nous quitte lui ressemble tellement, qu’on a l’impression qu’il a tout organisé.

Quelle trace va-t-il laisser dans le football français ?

Il a été un des précurseurs du football professionnel puisqu’il a su transformer un club amateur en un club structuré. Que ce soit chez les féminines où j’ai tout appris de Loulou, ou que cela soit chez les garçons avec ce titre. Je me souviens encore, tous les matches je lui envoyais à chaque fois un petit message, « Bravo, tu vas être champion », et il répondait inlassablement, « Non, c’est pas possible, Montpellier est un club trop familial pour être champion de France ». Je l’ai vu conquérir envers et contre tous ce titre. C’est la trace de la performance sans se prendre au sérieux parce qu’il savait exprimer au second degré des choses que nous on exprime au premier degré. C’est la trace d’un très grand professionnalisme dans une expression délirante.

« Un homme drôle mais aussi un grand professionnel »

Pouvez-vous nous raconter une anecdote que vous avez avec lui ?

Il y en a des dizaines parce qu’il racontait les choses de manière extrêmement drôle, tout en ayant du bon sens et des certitudes absolues. Je me souviens avoir souvent parlé avec lui de cette performance incroyable que faisait son club pour arriver à être champion de France et il tournait cela à la dérision, sans jamais y croire, jusqu’à la 89e minute du dernier match. C’était vraiment un homme drôle mais aussi un grand professionnel.

C’était un homme lyonnais, qui aimait la gastronomie lyonnaise, et avec qui vous avez partagé de nombreux repas avant et après les matches ...

On en a partagé un lors du dernier match, on a diné ensemble dans son salon. J’ai vu qu’il avait diné à nouveau avec ses copains après la rencontre. Il était tellement heureux parce que Lyon jouait sa qualification pour la Coupe d’Europe, lui son maintien et on aurait très bien pu imaginer qu’on puisse trouver la solution qui convenait à tout le monde. Le sort en a décidé autrement. On a gagné ce match un peu contre le cours du jeu, mais comme les autres résultats permettaient à Montpellier de rester en première division, je l’ai vu tellement heureux pour Lyon et pour son club, que j’en avais les larmes aux yeux. C’était très touchant.