Il y a deux jours, l’international portugais fêtait ses 31 ans. Fort d’une expérience de 386 matchs de Ligue 1 sous le maillot lyonnais, le natif de Givors retrouve ce soir le rival stéphanois. Un adversaire symbolique, lui le Gone de toujours puisque ce sont contre les mêmes ligériens qu’il a débuté sa carrière en Ligue 1. C’était le 28 avril 2013. Déjà.
S’il y en a bien un pour qui le derby a une saveur particulière, c’est bien lui. Lyonnais de la première heure, Anthony Lopes a toujours eu l’OL dans la peau. Après avoir fait ses classes à l’Olympique Saint Genis Laval, il rejoint une autre Olympique, celui-là plus prestigieux, l’Olympique lyonnais à l’âge de 10 ans. Malgré un parcours semé d’embuches où son fort caractère aurait pu mettre plusieurs fois un terme prématuré à une potentiel carrière, Lopes n’a jamais cessé de travailler.
Et ce même quand il n’était que quatrième dans la hiérarchie des gardiens dernière Hugo Lloris, Rémi Vercoutre et Mathieu Gorgelin. A cette époque, le Givordin n’est que remplaçant en équipe réserve. Il ne trouve du temps de jeu qu’en Selecção portugaise où il garde la cage de la sélection espoirs. Mais le portier ne baisse pas les bras. A force de courage, de persévérance et grâce au soutien de sa famille et notamment son père, José, il s’accroche à son rêve : celui de porter haut et fort le maillot de l’OL, son club, au plus haut niveau.
C’est chose faite le 31 octobre 2012 à l’occasion d’un huitième de finale de Coupe de la Ligue à Nice, au stade du Ray. Ce soir-là, les Lyonnais ne sont pas à la fête. Derrière une défense composée de quatuor Dabo-Bisevac-Koné-Monzon, le jeune gardien de 22 ans ne peut empêcher la défaite des siens (3-1). Malgré le résultat, il laisse entrevoir de belles promesses.
Mais sa carrière prend une autre dimension lorsque le titulaire du poste, Rémy Vercoutre, se blesse gravement au genou. L’OL doit alors disputer le derby face à Saint-Etienne à Gerland. Nous sommes le 28 avril 2013. Auteur d’une prestation encourageante, le gardien portugais soutenu par tout un stade et notamment le Virage Nord qui lui avait préparé une banderole avec écrit « Anthony, on croit en toi », se distingue grâce à ses qualités de tonicité et d’agilité. L’OL fera match nul 1-1 ce jour-là. Lui, ne quittera plus la cage lyonnaise.
"Sa mauvaise réputation est infondée"
386 matchs de Ligue 1 et plus de 8 ans plus tard, Anthony Lopes est toujours là et bien là. Son visage juvénile n’a pas changé, son influence si. Lui qui a connu comme mentors Joël Bats, Grégory Coupet, Christophe Revel et désormais Rémi Vercoutre, est dorénavant confortablement installé dans le top 10 des joueurs ayant disputé le plus de matchs sous le maillot rhodanien.
Il reste cependant à confortable distance du trio de tête composé de Serge Chiesa (542 matchs), Grégory Coupet (519 matchs) et Fleury Di Nallo (494 matchs). Plusieurs fois cité parmi les candidats crédibles au poste symbolique de capitaine, Lopes n’a pas besoin de ce statut pour être un cadre de l’effectif lyonnais. Son fighting spirit et son amour du maillot font de lui un leader naturel qui a su gagner, au fil des ans, le cœur des supporters.
Malgré plusieurs grosses saisons à son actif, le champion d’Europe 2016 avec le Portugal n’a jamais été élu meilleur gardien du championnat. La faute, notamment, à une réputation assez sulfureuse. « Anthony est un gardien très tonique. Il n’a pas froid aux yeux. Il a parfois été maladroit dans certaines sorties mais je me refuse à croire qu’il a cherché, ne serait-ce qu’une seule fois, à faire mal à un adversaire », indique Frédéric Roux, ancien gardien lyonnais lors de l’exercice 2007-2008. Avant d’enchérir : « Cela fait toujours plus parler quand un attaquant est touché à la suite d’un contact avec un gardien que l’inverse. Il ne faut pas oublier qu’Anthony a parfois pris des coups. »
On se souvient notamment de la plus grosse blessure de sa carrière lors d’un OL-Guingamp (2-0), le 2 novembre 2013. Victime d’une fracture de deux vertèbres lombaires après une sortie aérienne, il avait été éloigné des terrains près de trois mois. Pour Frédéric Roux, une chose est sûre, « la mauvaise réputation d’Anthony Lopes est infondée ». Selon l’ancien pensionnaire des Girondins de Bordeaux, le portier lyonnais ne doit pas faire évoluer son jeu. « L’explosivité et l’agilité sont l’ADN d’Anthony, le freiner serait une grave erreur. Anthony Lopes doit faire du Anthony Lopes en s’appuyant sur ses points forts, insiste-t-il. C’est un gardien vraiment spectaculaire et s’il rompt avec ce côté un peu fou, il sera moins performant »
"Quand un gardien est moins performant, c’est qu’il est moins bien"
Au cœur de plusieurs polémiques depuis le début de sa carrière, Anthony Lopes a toujours eu ce côté clivant. Défendu par la confrérie des gardiens mais vilipendé par certains « experts » ou anciens joueurs, le natif de Givors ne laisse pas indifférent. Mais la saison dernière a sans doute été le paroxysme du débat autour du jeu du portier de 31 ans. Au point qu’être scruté à chaque match et d’avoir droit à un traitement médiatique spécial.
Et relation de cause à effet, cet exercice 2020-2021 est sans doute le moins abouti du Givordin depuis qu’il garde la cage lyonnaise. « Il a connu une saison dernière assez délicate. Le changement d’entraîneur des gardiens a peut-être joué comme les affaires qu’il y avait autour de son jeu. En tout cas, je peux vous l’affirmer, quand un gardien est moins performant, c’est qu’il est moins bien. Que ce soit psychologiquement ou physiquement, cela a un impact quasiment immédiat et il ne me semblait pas en difficulté physique », assure l’ancien gardien qui a terminé sa carrière à l’OL lors de la saison 2007-2008.
Dans la course au titre et par ricochet, à la Ligue des Champions durant toute la saison dernière, l’OL n’a malheureusement pas pu compter sur un Lopes au sommet de son art. Comme en témoigne, le pénalty concédé par ce dernier au Stade Louis II de Monaco à la suite d’une faute évitable sur l’Italien Pellegri. Un penalty sans conséquence puisque l’OL s’imposera finalement 3-2. « L’équipe m’a sauvé », a-t-il même déclaré ce soir-là.
Une action symbolisant toute sa fébrilité. Adulé par une large partie du public lyonnais, il se retrouve même décrié et remis en question. Un constat dur pour celui qui s’est toujours donné sans relâche pour le club. Mais dans le football, la culture de l’instant est devenue omniprésente et il en fait les frais.
"Il a été galvanisé par les rumeurs autour de l’arrivée d’André Onana"
Pire, avec l’intronisation du Néerlandais Peter Bosz au poste de coach, les rumeurs sur l’arrivée du Camerounais André Onana vont bon train. Considéré comme l’un des meilleurs gardiens évoluant en Europe, le joueur appartenant à l’Ajax Amsterdam et spécialiste du jeu au pied aurait été une recrue de choix pour un OL ambitieux, en quête de Ligue des Champions. Cette arrivée aurait surtout créé une concurrence féroce au poste de gardien, situation inédite que n’a jamais vraiment connu Anthony Lopes, hormis lors de l’arrivée de Ciprian Tatarusanu. Même si ce dernier n’a jamais vraiment été une alternative crédible à l’international portugais.
Finalement, l’arrivée d’Onana n’en ai resté qu’au simple statut de rumeur. Mais ce vrai faux recrutement a forcément eu un impact sur Anthony Lopes. « Lorsqu’un club décide de recruter un autre gardien pour faire jouer la concurrence, cela signifie que l’on ne fait plus confiance au gardien en place et qu’il ne donne pas entière satisfaction. Pour lui, c’est à double tranchant : soit il se fait prendre sa place par son concurrent, soit cette situation le booste et le rend meilleur. Pour Anthony, force est de constater qu’il a été galvanisé par tout ça », analyse Frédéric Roux.
En effet, depuis le début de la saison, le gardien lyonnais semble retrouver tout son allant. Et ce, même dans une défense en difficulté. L’OL n’est que la 11e défense du championnat avec 12 buts encaissés en 8 matchs soit un total de 1,5 but par match. C’est trop pour un club d’un tel standing. Et cela aurait sans doute été pire sans un Lopes au sommet de son art. « Il retrouve son meilleur niveau et c’est naturellement qu’il rapporte de nouveau des points à son équipe », observe Roux.
Une renaissance qui peut aussi s’expliquer par l’arrivée de Rémi Vercoutre au poste d’entraîneur des gardiens. Un choix suggéré par Anthony Lopes lui-même. Une situation qui peut paraître cocasse quand on sait qu’ils étaient en concurrence lors des débuts du portier portugais. « C’est une situation inédite », souligne Frédéric Roux, désormais entraîneur des gardiens de la sélection malgache, dirigée par son ami Eric Rabesandratana. « Mais Rémi est une personne de grande qualité avec beaucoup d’expérience. Ce poste est fait pour lui et il peut vraiment faire progresser Anthony Lopes », surenchérit-il.
"Un gardien doit jouer comme un joueur de champ"
Parce que du haut de ses 31 ans, celui qui est la doublure de Rui Patricio en sélection portugaise a encore des axes d’amélioration qui doivent lui permettre de franchir un cap. « Son jeu au pied est encore perfectible. Aujourd’hui, le jeu au pied est déterminant pour un gardien. On le voit d’ailleurs dans les consignes du nouvel entraîneur lyonnais. Soyons clair, un gardien doit jouer comme un joueur de champ. Ce qui n’était pas le cas il y a encore quelques années », constate Frédéric Roux. « Il doit encore progresser dans la lecture du jeu selon moi », poursuit le portier aux 193 matchs en professionnel.
Des points clés qui doivent lui permettre de se rapprocher des meilleurs à son poste. « Aujourd’hui, je le situe derrière Navas et Donnarumma dans la hiérarchie des gardiens de Ligue 1 mais je le place sur le podium devant Benoit Costil qui réalise un gros début de saison. Après, ce que j’apprécie chez Anthony Lopes, c’est que c’est un gardien de rupture. Il n’est pas massif comme peuvent l’être Donnarumma, Neuer ou Oblak mais il compense par son explosivité. C’est vraiment plaisant de voir un gardien aussi agile surtout quand on sait que le premier critère, aujourd’hui, pour un gardien qui intègre un centre de formation, c’est sa taille. Il tord le cou à ce principe-là », se réjouit Frédéric Roux.
Avec un contrat qui court jusqu’au 30 juin 2023, celui qui est estimé à 14 millions d’euros par le site Transfermarkt a toutes les cartes en main pour marquer l’Histoire de son club. Cela passera sans doute par le gain de trophées, lui dont le seul titre à son palmarès n’est autre que celui de champion d’Europe avec le Portugal.
S’il a parfois laissé entendre qu’il pourrait faire toute sa carrière à l’Olympique lyonnais, un départ n’est toutefois pas forcément utopique. « Un gardien est un poste clé donc ce n’est pas rare de réaliser des cycles longs dans un club quand on occupe ce poste. C’est plus fréquent qu’un joueur en tout cas. Après, je ne le vois pas forcément terminer sa carrière à Lyon. Il peut avoir envie d’autre chose, de découvrir un autre pays ou une autre culture ou tout simplement aller dans un club de plus haut niveau. Je pense qu’il a encore de nombreuses années devant lui », précise Frédéric Roux.
"Le derby est mon match préféré"
En tout cas, ce dimanche soir, ce sera bien lui qui gardera pour la 387e fois en Ligue 1, la cage de l’Olympique lyonnais. Et pas dans pour n’importe quel match puisque l’OL se déplace chez le voisin stéphanois. « Il y a un monde entre les deux clubs mais sur un match sait-on jamais. L’OL aura besoin d’un grand Anthony Lopes », prévient Roux. Un match à la saveur particulière pour le Givordin lui qui a l’OL dans le cœur et qui a débuté en Ligue 1 face à ses mêmes Stéphanois. « Le derby est mon match préféré, celui que j’attends le plus », déclarait-il avant ce même derby la saison passée. Deux jours après son 31e anniversaire, il aura sans doute à cœur de les fêter dignement avec une victoire.
Rassurez moi : " Des Olympiques, il n'y en a qu'un ! " .....donc on dit bien UN Olympique !