Après une phase élite totalement maîtrisée de bout en bout, les U19 féminines de l’OL ont remporté le championnat de France. Les deux entraîneurs de ce groupe, Antoine Capinielli et Joé Labiani, reviennent pour Olympique et Lyonnais sur ce sacre et cette saison en deux parties.
Antoine Capinielli et Joé Labiani nous avaient donné rendez-vous à Meyzieu, à l’académie de l’Olympique lyonnais. Pour les deux techniciens rhodaniens, c’était l’heure du bilan, et celui-ci est très bon. Respectivement entraîneurs des U20 et U17 chez les filles, ils ont mixé leurs compétences au sein du groupe des U19 féminines à la mi-championnat. Ces dernières sont devenues championnes de France, une première pour l'OL depuis 2015, au terme d’une phase élite maîtrisée à la perfection. Dans les bureaux du centre de formation, les deux coachs ont livré leur regard sur la saison de leurs joueuses, satisfaisante aussi bien en matière de résultats que dans la progression de cet effectif.
Olympique-et-Lyonnais : Pouvez-vous tous les deux nous raconter le déroulé de cette saison 2021-2022 ?
Joé Labiani (en charge principalement du pôle U17-U16) : La première phase est un peu particulière. Cette année, à l’académie, on avait envie de changer de projet par rapport aux exercices précédents. On souhaitait partir sur le championnat U19 avec un groupe plus jeune, et notamment avec les U17. Les années d’âge U16-U17 devaient participer à cette compétition. L’objectif était de répondre à la problématique suivante : ce championnat est décomposé en deux phases, la première sert à se qualifier pour la phase élite. Elle est plus hétérogène. Lors des dernières années, lorsqu’on mettait nos joueuses U18-U19, dès le début, on avait des scores trop larges et donc un contexte pas forcément optimal pour progresser car le rapport de forces n’était pas idéal.
Cette première phase s'est plutôt bien déroulée, on a enregistré une défaite face à Dijon (0-2), un nul contre Reims (0-0) et sinon huit victoires. Nous avons terminé deuxièmes (à égalité avec le DFCO) et donc nous sommes allés en barrage face à Marseille (succès 2 à 0). Petit à petit a mûri la réflexion de savoir par rapport aux objectifs sportifs, et donc le titre de champion, quel était l’effectif idéal à mettre dans cette compétition. A la mi-saison, il y a eu un changement d’organisation sur l’équipe qui participait au championnat. On a intégré les U19 avec les meilleurs profils. Avant cela, les plus grandes jouaient des matches amicaux contre des D2. Ensuite, ce sont plutôt les U17 qui ont disputé des rencontres amicales face à des garçons. A ce moment-là, les staffs se sont retrouvés. Nous avons créé une seule organisation. Durant la première phase, j’étais le numéro un, puis ensuite Antoine a pris la tête du staff sur la deuxième partie.
Antoine Capinielli (en charge principalement du pôle U20-U19) : Sur la seconde phase, on a utilisé potentiellement la meilleure équipe chaque week-end. Il n’y a pas forcément une hiérarchie d’âge, mais plutôt de qualité. Là où tout a été bénéfique, c’est que sur cette deuxième partie de saison, on a de suite commencé à bien figurer. Un championnat c’est long, il y a des blessures, des absences, mais aussi un groupe professionnel qui a besoin d’être complété par certaines joueuses. Et ce début d’exercice, qui a permis aux filles de s'aguerrir à cette compétition, a fait que lorsqu’on a eu besoin d’elles, elles ont su répondre présentes. Sur la totalité, on a disposé de 38 éléments, ce qui est un nombre conséquent, et il est aussi important sur la phase élite. On n'a jamais aligné le même 11, surtout en raison des différentes contraintes tous les week-ends. Cela prouve que le projet a fonctionné et que l’idéal initiale de mettre les U17 était la bonne.
"Remporter les matches est un objectif, mais il y a aussi comment le faire", Antoine Capinielli
Comment avez-vous vécu cette phase élite, parfaitement maîtrisée de bout en bout ?
Antoine Capinielli : On sait qu’on a la qualité, que sur un match précis, on peut obtenir des filles un magnifique résultat. Le plus dur dans la formation et pour des jeunes joueuses, c’est d’être régulières, de se remettre en question chaque week-end avec une énorme exigence. Remporter les matches c’est un objectif, mais il y a aussi comment le faire. Au sein du club et en suivant la ligne directrice des pros, il faut bien gagner, avec la manière. C’est pour ça qu’il y a pour le groupe U17 des matches amicaux. De notre côté, on a aussi affronté des D2, des adultes, et récemment une D1 (Dijon, succès 3-2). Il faut arriver à trouver les contextes, les oppositions, les mots, tout ce qui peut tourner autour du maintien de l’exigence. Je pense que c’est cela qui a fait la différence, qu’on a été compétitifs à chaque fois, en remportant des rencontres avec une certaine marge. Mais je ne crois pas que c’est parce que nous sommes largement au-dessus, mais parce qu’on a fait un gros travail.
Pour vous Joé, comment s'est déroulé ce passage de numéro 1 à adjoint ?
Il a été grandement facilité par le fait qu’on travaille ensemble depuis plusieurs années et qu’on se connaisse personnellement. Il y a aussi une notion de projet pour l’académie, pour le club, qui dépasse le titre de numéro 1 ou numéro 2. C’est vrai que lorsqu’on a les ambitions pour être champion, il faut à un moment donné être objectif dans son raisonnement et savoir que oui, les joueuses du groupe U19 vont répondre plus favorablement à nos ambitions. Ce qui a été bien fait, c’est que cela a été progressif. Dans un premier temps, on a eu des séances en commun pour avoir des entraînements avec le groupe entier. Cela a fait comprendre aux filles qu’elles n’étaient pas cloisonnées ou mises du côté. On voulait rassembler les deux effectifs et donner la chance à tout le monde de postuler. Je restais le référent du groupe U17 pour les joueuses, ce qui était une passerelle plus simple pour elles pour intégrer ces changements. Au niveau des U20, ce rôle d’adjoint a été très riche, à la fois personnellement et pour le projet aussi car ça permettait d’avoir un autre regard et d’apporter des choses supplémentaires.
Il y a notamment ce match au scénario incroyable contre Paris pour le titre (mené 2-0, l'OL l'emporte 3-2)…
Joé Labiani : Cette rencontre est particulière, déjà dans la dimension collective, dans la préparation de cet événement, dans la manière dont on l’a abordé. On était prêts, on avait imaginé tous les scénarios, on avait travaillé aussi bien tactiquement que mentalement. Personne n’aurait imaginé ce dénouement, mais il donne encore plus de saveur à ce titre. On avait beaucoup parlé de résilience, d’être prêts à subir plus que sur les autres matches car d’habitude, on a une moyenne de 60 à 70% de possession, on est plutôt en maîtrise face à des blocs bas. Là, on savait que le PSG allait nous proposer quelque chose de différent.
Lorsqu’on voit le score qui évolue à 1-0 en notre défaveur, qu’à la mi-temps on essaye de remobiliser tout le monde, de repartir sur une nouvelle dynamique, mais qu’on prend un 2e but au retour des vestiaires, cela met un coup derrière la tête. Pour autant, on a un banc et une équipe qui reste sûre de ses forces, c’est ce qui a transpiré de la touche en tout cas. De notre côté, il fallait continuer à aller de l’avant, à prôner notre jeu pour ne pas tomber dans quelque chose de précipité. Je pense que ce qui a fait la différence sur la 2e période, c’est que chacun a pu apporter des billes sur cette remontée au score. Les changements tactiques ont été avantageux pour nous, et les choix stratégiques ont permis d’être décisifs et incisifs en fin de partie. C’est la richesse de tout le monde, et ce que les filles ont fait, c’est merveilleux.
Au début de saison, est-ce l’objectif que vous vous étiez fixé ?
Antoine Capinielli : Oui. Déjà, lorsqu’on fait partie de l’Olympique lyonnais, le premier objectif, même si on est dans de la formation et dans l’accompagnement, c’est de remporter des titres, c’est dans l’ADN du club. Il faut gagner. On le voit la saison passée lorsque les professionnelles ne remportent pas de trophée, cela sonne comme quelque chose de pas normal. On a vu la joie de Sonia (Bompastor) et de son staff sur la reconquête de la Ligue des champions et de la D1. A l’académie, on ne doit pas se baser que sur le résultat, mais aussi sur la manière et sur la façon dont nous allons accompagner les filles pour aller chercher ces victoires. Mon but en début de saison est de former des joueuses pour faire la bascule avec le monde pro, même si celle-ci est énorme car l’OL a la meilleure équipe d’Europe.
Notre rôle est de donner toutes les clés possibles aux filles pour combler le fossé entre les deux. Dans un premier temps, je pense que c’est surtout au niveau mental, travailler toujours plus, avoir de la résilience. On axe là-dessus. Les résultats sont notamment le fruit de cela. Ensuite, vient la tactique. Au sein du club, il a une certaine manière de jouer, et on veut que nos équipes jouent comme cela pour gagner. Elle tourne autour de la possession, du beau jeu, de l’attaque. C’est notre boulot au quotidien de leur proposer des outils qui vont leur permettre de répondre à ça et de devenir des joueuses intelligentes avec de la qualité. Cela nous tient à cœur.
"On a laissé personne au bord de la route", Joé Labiani
Finalement, quel bilan faites-vous de cette saison ?
Antoine Capinielli : Je suis assez satisfait de cet exercice. On a la chance de filmer tous nos matches et en comparant les premières et les dernières rencontres, on voit qu’il y a une évolution sur plusieurs critères. L’effectif a énormément progressé. Les filles ont pris cette habitude de travail, de faire toujours plus, donc ce sont de vraies victoires. On termine la saison en arrivant à accrocher voire à battre des équipes de D2. On a aussi battu la D1 de Dijon et quand je dis “on”, ce sont les deux groupes, car la formation qui gagne contre le DFCO est constituée de U17 et de U20. Ce sont de grandes satisfactions, aussi bien au niveau des résultats que sur la manière de jouer. Sur l’aspect mental, cette remontée face au PSG n’est pas anodine. Elle dénote d’un tempérament du groupe. Dernièrement, on a fait un tournoi à Zurich (Suisse). Sur une affiche, on passe totalement à travers et finalement, on passe de 4-1 à 4-3 dans les ultimes minutes. On perd, mais cela nous permet d’être premières de la poule. Ça montre qu’on a du caractère, de la résilience… En début d’année, on disait des filles qu’elles étaient belles à voir jouer mais qu’elles jouaient comme des princesses, elles se sont transformées en petites championnes.
Joé Labiani : Avec un regard plutôt sur les U16-U17, le bilan est positif, notamment au vu des différents supports de compétitions et contextes qu’on a pu leur apporter. Je pense que c'est cela la richesse de notre formation, c’est qu’on arrive à faire évoluer nos filles dans des situations très riches. Elles se sont confrontées à des U19 féminines, à des adultes de D2 ou D1. Elles ont aussi joué avec et contre les garçons, et finalement, cette diversité leur offre plusieurs cordes à leur arc et elles ont un panel très complet, à la fois en matière d’intensité, de maîtrise technique, et surtout en gestion de situations de match. Lorsqu’on joue face à des garçons, on rencontre des problématiques différentes qu’en U19 féminines. Cela fait que les joueuses sont polyvalentes et prêtes à répondre à un peu tous les scénarios. Elles ne sont pas encore en capacité d’être autonomes dans ces réponses-là, mais en les orientant rapidement, elles trouvent les réponses.
L’autre satisfaction, c’est de se dire que sur le choc contre Paris, on a 7 joueuses de la génération U16-U17. Nos jeunes sont donc capables de performer contre ce type d’opposition. On a aussi remporté un tournoi au Maroc, on va aller jouer bientôt une compétition internationale en Alsace, ce qui montre qu’on a réussi à maintenir ce niveau d’exigence pour ces filles qui n’évoluaient pas en U19. On a laissé personne au bord de la route cette saison, et malgré le changement de projet, elles ont toutes été considérées et ont reçu la formation qu’on souhaitait leur offrir.
Très intéressant. C'est aussi agréable d'entendre des mecs qui ont un vrai projet, qui préfèrent mettre les filles dans la difficulté pour les faire progresser (première phase), plutôt que de se contacter de gros scores sans réel intérêt pour l'apprentissage. C'est ça le sport.
Tout simplement BRAVO !
Par contre, avec un tel effectif, quelle proportion a des chances de jouer au plus haut niveau et, éventuellement, d'intégrer l'équipe pro ? ce serait bien de le savoir, ainsi que le devenir de toutes ces joueuses car, derrière, les autres jeunes arrivent.
C'est à peu près certain que très peu d'entre elles rejoindront le groupe pro, mais avec une telle formation, un tel CV, elles trouveront sans doute un autre club pro, sans trop de problème.
A priori oui, je le leur souhaite, la formation lyonnaise est reconnue, il n'empêche que le déchet doit-être grand. Il restera, aux délaissées, le plaisir de jouer, il y a de plus en plus de petits clubs régionaux, qui ont une équipe féminine, c'est bien.
Merci pour cette interview qui respire l'intelligence et la bienveillance, ce que l'on trouve particulièrement chez les filles. D'accord avec Darn, ils ont un vrai projet et ils font en sorte de donner des réponses aux risques et au faiblesses de leur groupe.
C'était très intéressant , vraiment, bravo
Je ne peux qu'être d'accord avec vous tous.
Reportage ô combien instructif qui met en lumière des travailleurs de l'ombre pour le bien de notre club et des jeunes joueuses dont ils s'occupent.
Même si beaucoup d'entre elles n'auront pas la chance ou la possibilité d'évoluer à l'échelon supérieur au sein de L'OL tant la marche est haute, elles auront eu une formation au top qui leur permettra de poursuivre leur carrière dans d'autres clubs.
Un article qui mériterait bien plus de commentaires...
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt et constaté qu'une fois encore l'OL est inventif et précurseur. La formation à tous les niveaux est vraiment dans l'ADN de ce club. Le modèle de stratégie présenté est bien expliqué, le résultat gagnant semble logique... mais pourquoi donc les clubs qui en ont les moyens ne s'investissent pas d'avantage sur le long terme ?... se serait bénéfique pour tous, avec une D1 plus concurrentielle, donc plus attrayante.
Pas grand chose à ajouter aux commentaires mais un + 69000 pour cet interview mettant en "lumière" des personnes des "coulisses" de l'institution.