Natif de Nice, René Bocchi a rallié l’Olympique lyonnais en 1982. Milieu de terrain travailleur, il a porté durant quatre saisons le maillot lyonnais. S’il n’a pas connu la meilleure période du club avec une descente en deuxième division et trois années à cet échelon sans pouvoir remonter, il garde, tout de même, un très bon souvenir dans la capitale des Gaules. Aujourd’hui propriétaire d’un restaurant à Nice, l’homme de 65 ans nous parle de son aventure lyonnaise et de sa nouvelle vie.
Olympique-et-Lyonnais.com : René, vous avez rejoint l’OL lors de l’intersaison 1982. Qu’est ce qui a motivé votre choix ?
René Bocchi : Une année auparavant, j’avais quitté l’OGC Nice, mon club formateur, pour rejoindre Lille. Dans le Nord, j’ai réalisé une saison mi-figue mi-raisin. Lyon m’a contacté et tout était intéressant dans le projet rhodanien. Sportivement, l’effectif était vraiment de qualité avec des joueurs comme Serge Chiesa, Albert Emon, Slobodan Topalovic, Jean-François Domergue ou encore Laurent Fournier. Sur le papier, on avait le potentiel de jouer le Top 5 en championnat ! Puis financièrement c’était alléchant aussi et j’avais aussi de la famille sur Lyon. Enfin géographiquement, je me rapprochais un peu de Nice également (rires). Toutes les conditions étaient réunies pour que je m’engage avec l’Olympique lyonnais.
Malgré votre potentiel sportif, vous allez connaitre une saison noire puisque le club sera relégué à l’issue de cet exercice 1982-1983. Comment expliquez-vous un tel affront ?
Nous avions des joueurs de qualité mais le mayonnaise n’a jamais pris. Pourtant, l’ambiance était bonne. J’aimais beaucoup car nous étions pas mal de joueurs du sud avec Albert Emon, André Ferri, Henri Zambelli ou encore José Pasqueletti qui est Corse. Mais on sait comment ça se passe dans le football. Les mauvais résultats s’enchaînent, une terrible dynamique s’installe et on ne parvient pas à s’en sortir. Descendre en seconde division avec un tel effectif est incroyable. Honnêtement, notre équipe était conditionnée pour jouer le haut de tableau et non le maintien. Nous n’avions pas les joueurs pour jouer notre survie dans l’élite car peu d’entre nous avions déjà connu ce combat-là. Finalement, notre descente a été actée lors du dernier match à Auxerre, qui marchait sur l’eau. Nous étions pratiquement condamnés et il n’y a pas eu de miracle (défaite 3-1).
Au milieu de cette saison, Robert Herbin, fraîchement débarqué du rival stéphanois, avait pris place sur le banc lyonnais en remplacement de Vladimir Kovacevic, limogé un peu plus tôt. Jean-Michel Raymond évoquait récemment dans nos colonnes sa déception quant à l’apport du Sphinx. Qu’a-t-il amené selon vous ?
Robert Herbin était un constructeur. Là, sa mission était de sauver le club donc ce n’était pas forcément en lien avec ce qu’il savait faire. Il n’avait pas de temps devant lui. La situation était urgente. J’étais très proche de lui personnellement. Je pense qu’il a fait de qu’il a pu mais le mal était déjà fait. La dynamique négative s’était déjà installée. La faute n’est pas à mettre sur Robert Herbin en particulier. Tout le monde a sa part de responsabilité et les joueurs en premier lieu. Nous n’avons pas été à la hauteur.
Cette saison 1982-1983 est également la dernière saison de Serge Chiesa sous le maillot rhodanien. Quels souvenirs conservez-vous d’un joueur qui restera dans l’Histoire du club ?
Serge, c’était une star. Il a fait une carrière exceptionnelle. Le grand public l’assimile, avant tout, a son refus de la sélection nationale mais c’était vraiment un grand joueur. D’ailleurs, la première fois que je l’ai rencontré, c’était lors de la finale de la coupe de France 1973 remporté par l’OL face au FC Nantes (2-1, ndlr). J’avais joué en levé de rideau avec une sélection de cadets du Sud-Est contre une sélection de cadets du Lyonnais. Puis, nous logions dans le même hôtel que l’OL. Je voulais le maillot de Serge Chiesa mais il l’avait déjà donné alors il m’a offert…ses chaussettes. Je les ai toujours chez moi d’ailleurs (rires). Quand j’ai signé à l’OL, je n’ai pas manqué de lui rappeler cette anecdote. Mais c’était quelque chose de grand de jouer avec un tel joueur surtout qu’on évoluait tous les deux au milieu de terrain.
"Je ne pouvais pas partir à Saint Etienne"
Serge Chiesa quitte finalement l’OL faute d’un accord sur une prolongation pourtant envisagée par le club et lui-même. De votre côté, avez-vous pensé à quitter l’Olympique lyonnais après cette descente à l’échelon inférieur ?
J’ai eu la possibilité de partir puisque l’AS Saint-Etienne m’avait contacté. J’ai aussi eu des contacts avec Rolland Courbis qui voulait que je le rejoingne au Sporting Toulon. Mais je ne pouvais pas partir de l’OL sur une descente. Le club m’avait fait confiance et j’avais un devoir moral à respecter. Ma volonté était de remonter le plus vite possible avec Lyon. Puis, de part la rivalité qu’il existe entre l’OL et Saint-Etienne, je me voyais difficilement partir dans le Forez.
Vous qui êtes natif de Nice où il y a aussi un derby avec l’AS Monaco, comment caractérisez-vous ce derby entre Lyon et Saint Etienne ?
C’est le seul vrai derby de France, tout simplement. Rien n’est comparable à cette rencontre. Je me souviens de mon premier derby. C’était au début de la saison 1982-1983 (5ème journée, ndlr). Je crois que Robert Herbin était l’entraîneur de Saint Etienne d’ailleurs. Nous avions gagné 2-1 (buts de Sima Nikolic et Jean-François Domergue, ndlr). Je me rappelle avoir vu notre kiné pleurer après cette victoire. C’était un pur Lyonnais. A ce moment-là, j’ai pris la mesure de ce que représentait ce derby pour les Lyonnais mais sans doute aussi pour les Stéphanois. Quand Saint Etienne m’a contacté, je me suis remémoré tout ça. Je ne pouvais pas aller là-bas. Ce n’était pas possible.
A la suite de la descente de seconde division, l’OL est en proie a de graves difficultés financières. Cela entraîne le départ de pléthore de joueurs (Chiesa, Emon, Domergue...) Quel impact cela a eu sur ceux qui sont restés ?
C’est vrai que l’OL n’était pas en bonne santé financière. Je me souviens le club nous avais demandé de faire cadeau de nos primes de match. Cela ne représentait pas une somme astronomique mais c’était déjà ça d’économisé. Tous les joueurs avaient joué le jeu. Je me rappelle que la mairie de Lyon avait beaucoup aidé l’OL également. Je ne pense pas me tromper en disant que l’Olympique lyonnais était passé très proche du dépôt de bilan à ce moment-là. Sportivement, cela n’a pas eu un impact majeur puisque l’on réalise une bonne saison. Malheureusement, nous avions perdu nos deux matchs face à Marseille et ce sont eux qui sont montés directement en première division. Nous, nous avions été éliminés contre le Racing Club Paris en barrages. C’est dommage car il ne manquait pas grand-chose.
L’exercice suivant est marqué par les arrivées remarquées de Felix Lacuesta, Jean-François Larios ou encore Olivier Rouyer afin de faire remonter l’OL à l’échelon supérieur. Pourtant rien n’a fonctionné comme prévu et le club manque même de descente. Comment expliquez-vous cette déception ?
Je dirais que c’est un peu à l’image de ma première année à Lyon. On a un effectif qui, sur le papier, doit nous permettre de jouer les premiers rôles. Puis finalement, rien ne fonctionne comme prévu. Larios, Lacuesta et Rouyer étaient des joueurs confirmés de première division. Mais c’était bizarre. Le message de Robert Herbin avait du mal à passer et le président, Charles Mighirian, a tenté un coup de poker en fin de saison en nommant André Ferri, entraîneur adjoint. Il avait donc la triple casquette de joueur, capitaine et entraîneur adjoint. Cela a été salvateur puisque nous avions réalisé une belle fin de saison en terminant invaincus lors des huit derniers matchs. C’est ce qui a permis de nous sauver.
"J’aurais aimé rester plus longtemps à l’OL"
Afin de remonter la saison suivante, Lyon mise sur Robert Nouzaret en lieu et place de Robert Herbin. Quels étaient vos rapports avec lui ?
L’idée de Nouzaret était d’allié des jeunes du club avec des joueurs d’expérience. C’était un amalgame intéressant et j’ai adhéré au projet. Mais peu après le début de la saison, l’OGC Nice, mon club formateur, me contacte à la suite de la grave blessure de Jean-Philippe Rohr. Le président de l’époque, Mario Innocentini me reçoit sur son bateau. L’idée de retourner à Nice me séduisait beaucoup mais j’avais donné ma parole à Robert Nouzaret que je ferais partie de son projet. Innocentini me dit de voir avec lui. La saison avait déjà commencé et Nouzaret n’a pas voulu me laisser partir car il ne pouvait pas me remplacer. Comme je n’ai qu’une parole, je suis resté à l’OL. J’ai eu deux grosses blessures durant cette saison qui sera ma dernière sous le maillot lyonnais. Malheureusement, nous n’avons pas réussi à monter puisque nous avons été éliminés en barrages contre Mulhouse.
Avec une descente en deuxième division et trois saisons successives à manquer la montée, percevez-vous votre expérience lyonnaise comme un échec ?
Absolument pas ! Même si sportivement, nous n’avons pas eu les résultats escomptés, j’ai vécu de très belles choses à Lyon. J’ai rencontré de belles personnes comme Marino Faccioli ou Fleury Di Nallo. Hormis la descente en deuxième division, je n’ai aucun mauvais souvenir à Lyon. Je reste très attaché à cette ville et à l’Olympique lyonnais. L’OL et l’OGC Nice sont mes deux clubs. D’ailleurs, j’ai été très touché de voir que quand j’ai visité le musée, le club n'avait oublié aucun joueur et que tout le monde était logé à la même enseigne. Que ce soit ceux qui n’ont joué qu’un seul match ou ceux qui sont devenus des légendes du club. Je suis d’ailleurs toujours en contacts avec pas mal d’anciens joueurs comme Alain Olio, André Ferri, Henri Zambelli ou Gérard Lanthier qui sont devenus des amis. J’aurais aimé rester plus longtemps à l’OL.
Pourquoi ne pas avoir prolongé l’aventure en 1986 ?
Tout simplement parce que j’étais en fin de contrat et que Robert Nouzaret ne souhaitait pas me conserver. J’ai été un peu déçu car j’avais à cœur de laisser l’OL en première division. C’est un des seuls vrais regrets que j’ai eu dans ma carrière. Après, c’est le football. Une année, on vous fait confiance et la suivante, vous n’êtes plus désiré. De fait, je suis parti à Bastia puis j’ai terminé ma carrière Vallauris où l’on a été champion de Division 4, ce qui reste le seul titre de ma carrière. Pour moi, footballeur est le plus beau métier du monde. J’ai eu une réelle chance d’exercer ce métier. Même si aujourd’hui, j’ai l’impression que tout a changé avec l’explosion du business dans le football. Je suis content de me dire qu’à mon époque, il y a de réelles amitiés qui se sont forgées et qui existent encore maintenant.
A l’issue de votre carrière de footballeur, de quoi a été faite votre reconversion ?
J’ai tourné la page avec le monde du football puisque j’ai acheté une cave à vin située proche du stade du Ray à Nice. J’ai exercé cette activité quelque temps jusqu’à ce qu’un de mes amis, cuisinier, me propose de monter un restaurant dans le centre de Nice. Ainsi, j'ai vendu ma cave à vin et je l’ai suivi. Quand mon associé a choisi de se retirer de l’affaire, ce sont mes enfants qui ont racheté les parts. Nous sommes aujourd’hui une structure familiale à 100%. Le restaurant s’appelle La Cave Bocchi.
"Un client, ça se fidélise. S’il est déçu, il ne reviendra pas. Peu importe le gérant"
Comment avez-vous vécu cette période de Covid-19 où les restaurateurs ont grandement été touché ?
C’est clair que ce n’était pas de tout repos. Après, on a été bien aidé par le gouvernement, il faut le reconnaitre. Même si on le paye un peu maintenant (rires). Mais sachant que nous sommes une petite structure, on a pu s’en sortir. On a fait un peu de vente à emporter aussi. Si on est toujours présent c’est que l’on a survécu. Cette période est derrière nous.
Quelles sont les spécialités de La Cave Bocchi ?
Notre carte s’articule autour de 6/7 plats autour d’une cuisine traditionnelle proche de la gastronomie niçoise. Tout est frais et fait maison. On travaille le midi et certains soirs également. L’autre spécificité majeure est que l’on parle beaucoup de football forcément (rires). Il vaut mieux parler de foot que de politique non ?
Vos clients viennent dans votre restaurant grâce à votre notoriété d’ancien joueur de football ?
Oui, on ne va pas se mentir, cela a aidé. Maintenant, s’ils reviennent c’est surtout parce qu’ils sont satisfaits de notre cuisine ! Un client, ça se garde et ça se fidélise. S’il vient manger et qu’il est déçu, il ne reviendra pas. Peu importe qui est le gérant. Leur préoccupation majeure, c’est de bien manger. Après, il est vrai que j’ai quelques anciens joueurs niçois qui viennent régulièrement et j’ai une belle clientèle d’habitués dont un fervent supporter de Saint Etienne. Il se fait beaucoup chambrer (rires).
Justement, en tant qu’ancien lyonnais, quel est votre regard sur la situation actuelle de l’Olympique lyonnais ?
Quand on voit la situation actuelle du club, comment ne pas être déçu des résultats ? Je pensais qu’ils feraient beaucoup mieux et notamment en Europa League. Quand je vois l’affiche de la finale (Francfort-Glasgow Rangers, ndlr), je me dis que l’OL avait une vraie carte à jouer. Je suis triste car j’ai vraiment gardé une affection et une passion particulière pour ce club.
"L’OL doit miser sur ces jeunes pour rebondir "
Comment expliquez-vous qu’en une semaine, l’OL passe d’une victoire probante à Marseille (3-0) à une défaite risible à Metz (2-3) ?
Cette semaine est tout simplement à l’image de la saison. Avant un match de l’OL, on ne sait jamais vraiment à quoi s’attendre. Je ne suis pas à l’intérieur du club donc il est difficile pour moi d’être affirmatif mais force est de constater qu’il existe de vrais problèmes. C’est d’autant plus surprenant que l’effectif est consistant et de qualité. Mais peut-être que cet effectif est trop pléthorique. Je ne sais pas si le discours et les choix de Peter Bosz sont acceptés par tous. J’ai l’impression qu’il y a un manque de sérénité globale.
Sur quoi l’Olympique lyonnais doit-il s’appuyer pour rebondir la saison prochaine ?
Sur ces jeunes ! C’est ce qui est exceptionnel à Lyon. Peu importe le contexte sportif, l’académie lyonnaise arrive toujours à fournir des jeunes joueurs capables de s’imposer en équipe première. Et ces jeunes, ils jouent avant tout parce qu’ils ont le niveau. L’entraîneur ne fait pas de social en les alignant. Puis quand on voit que l’OL a gagné la coupe Gambardella ce week-end, on se dit qu’il y a encore une belle génération qui arrive. J’ai la sensation que Peter Bosz n’a pas peur de lancer les jeunes. J’espère que les dirigeants vont miser sur la continuité avec ce coach.
IL EST SUPER CE BOCCHI!!!
Très bel article. Si je peux aller à Nice, je fonce dans son restaurant.