(Photo by JEFF PACHOUD / AFP)

OL : comment gérer mentalement le huis clos ?

Depuis plusieurs mois maintenant, les stades de football sonnent creux. En raison de la pandémie actuelle, les supporteurs ne sont pas autorisés à venir encourager leur équipe. Olympique-et-lyonnais.com a interrogé trois préparateurs mentaux lyonnais pour comprendre comment les joueurs peuvent surmonter l’absence du public.

Le mercredi 23 décembre, l’Olympique lyonnais s’imposait contre le FC Nantes 3 à 0. Cette victoire était synonyme de première place au classement à la trêve. Pourtant, Memphis Depay et ses partenaires n’ont pas pu fêter ce succès avec leurs supporteurs.

En raison de la pandémie liée au Covid-19, les stades sonnent désespérément creux depuis le début de la saison. Un phénomène loin d’être anecdotique pour la performance de l’équipe. « C’est important car le public apporte du soutien. Il peut également y avoir une forme d’animosité qui peut entraîner un surplus de motivation car on veut répondre sur le terrain. Ça peut porter le sportif, peu importe si c’est à domicile ou à l’extérieur, nous explique Fred Chevally, associé gérant de Jobosport et préparateur mental à Lyon. Il y a aussi une forme d’habitude car petit à petit, on prend les repères avec les tribunes pleines. Lorsqu’il joue sans cela, le footballeur perd ses repères auditifs et visuels. Cela peut changer la donne. »

Moins de victoires à domicile, l'OL une exception.

Sur la première partie d’exercice, on peut constater que les victoires à l’extérieur sont plus nombreuses, 37 % sur 2020-2021 contre 27 % en moyenne lors des 9 dernières saisons d’après les chiffres de L’Equipe. Un bilan qui peut s’expliquer par l'absence des fans. « On voit des revirements de situation qu’il n’y avait pas avant. Certains joueurs jouent bien grâce à l’ambiance, ils se surpassent. Ils sont portés par une grosse énergie, plus que d’habitude, décrypte Alexandre Romieu, préparateur mental et praticien en hypnose. Les rencontres sont parfois particulières en ce moment. On peut avoir l’impression que les joueurs n’ont pas trop envie ou en tout cas, ils n’ont pas ce truc pour se surpasser. C’est ce que certains sportifs que j’accompagne me disent sur les matchs. »  

Même si bien évidemment, ce n’est pas le seul facteur à prendre en compte. "Le huis clos peut jouer mais je n’en ai pas la certitude, admet Fred Chevally. Il faudrait avoir plus de recul. On sait que le public peut avoir un rôle important et permettre à un moment de relancer sa formation, de donner un supplément d’âme. La différence entre les équipes est peut-être un peu plus marquée car il n’y a plus ce support-là. Les joueurs affirment quand même qu’il y a une grosse différence entre jouer dans un stade plein ou vide. »  

Pourtant, l’OL semble échapper à cette baisse des résultats à la maison. Le club rhodanien a pris en moyenne 2,3 points à domicile sur l’exercice en cours, contre 1,5 l’année dernière. « Rudi Garcia doit faire du bon boulot mais selon moi, c’est lié au profil des joueurs lyonnais, estime Patrick Grosperrin, préparateur mental. D’habitude, les équipes moins talentueuses peuvent s’appuyer sur leur public, or là, ce qui prime c’est davantage la qualité de l’effectif et du banc car les formations ne peuvent pas compter sur un surplus de motivation. Lyon, avec son groupe et des éléments compétiteurs, peut faire la différence et prendre l’avantage sur son adversaire.»

S'adapter au joueur

Alors comment faire pour préparer au mieux le footballeur aux enceintes vides ? Premièrement, s’adapter à l’athlète affirment les trois spécialistes. « Certains sont plus à l’aise en déplacement car cela leur donne un challenge, d’autres ont plus de mal. D’après moi, ce rapport peut donc s’inverser ou se neutraliser actuellement », analyse Alexandre Romieu. « Cela dépend de chaque joueur, de la manière dont il va appréhender la compétition car chacun est différent, poursuit Fred Chevally. Ils peuvent avoir des réactions différentes comme pour aborder une finale. Il n’y a pas de généralité. »

On distingue en effet trois cas différents d’après Patrick Grosperrin. « Il y a les purs compétiteurs, pour qui jouer une partie de cartes ou un match de foot, c’est pareil. Ils veulent gagner, peu importe la situation. Il y a ensuite la catégorie des champions. Ils veulent toujours donner le meilleur d’eux-mêmes. Ils se conditionnent mentalement, peu importe le contexte, ils sont dans la rencontre, ils font le job, détaille-t-il. A l’OL plusieurs sont dans cet état d’esprit. Enfin, il y a les joueurs un peu plus sous influence. Ils ont des hauts et des bas. Ils peuvent, à certains moments, subir le fait de ne pas avoir le public derrière eux. Ils peuvent être touchés mentalement. »

L'imagerie mentale peut aider

Alexandre Romieu nous livre quelques méthodes permettant de passer outre la vision des travées sans spectateurs. « Dans l’accompagnement que je fais, j’utilise beaucoup l’imagerie mentale. Il faut arriver à recréer dans sa tête une certaine énergie, une dynamique ou un grand moment que le sportif a pu vivre, imaginer qu’il y a énormément de public. Par exemple, lorsqu’il marque un but, il peut se tourner vers les tribunes. C’est ce vers quoi j’aurais tendance à me tourner assez rapidement, annonce-t-il. Il faut également faire en sorte que l’entraînement ressemble au maximum au contexte actuel de jeu. Recréer l’atmosphère, par exemple lors de matchs amicaux. »

Il souligne aussi l’importance du dialogue au sein du vestiaire. « Pourquoi pas échanger régulièrement avec les joueurs à ce sujet, savoir comment ils se sentent etc. Instaurer du participatif. Cette période peut servir de test, pratiquer un autre football, mettre en place d’autres tactiques, conseille-t-il. Elle peut être intéressante si on s’en sert pour expérimenter. »  

Toutefois, pour Fred Chevally, il est préférable que les joueurs gardent en tête le fait de jouer dans des stades vides. « Je pense qu’il faut faire avec cette situation en se mobilisant de manière différente. Il ne faut pas essayer de l’occulter, conclut-il. On peut trouver plein de sources de motivation autre que le public. » Pour l’Olympique lyonnais, la quête du titre devrait suffire à transcender le groupe du Rudi Garcia d'ici au retour des supporteurs.

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