Lacombe – Chiesa – Di Nallo sous le maillot de l'OL.
Lacombe – Chiesa – Di Nallo sous le maillot de l’OL. (Photo via MaxPPP)

OL : ces passionnés de statistiques qui œuvrent pour l'histoire du club

Les statistiques sont au cœur de beaucoup d’informations relayées par les médias. Derrière ces chiffres, des statisticiens travaillent au quotidien pour agrémenter leurs bases de données. Nous avons suivi deux supporteurs de l'OL, passionnés de statistiques, qui œuvrent pour l’histoire de l’OL et du football.

Il en va de l’histoire du club, et du football en général. Les statistiques laissent une trace indélébile, et permettent de jauger la valeur d’une performance en comparaison à ce qui a déjà été réalisé par le passé : le nombre de buts, de passes décisives, d’apparitions, de trophées. Mais de plus en plus, les statistiques permettent aussi d’analyser le jeu, l’instant présent : les Expected Goals, les passes « clés », les courses à haute intensité, sont autant de paramètres qui sont utilisés par les analystes et les staffs au sein même des clubs. Nous avons sollicité deux passionnés des statistiques, qui œuvrent bénévolement au quotidien pour que ces données soient de plus en plus complètes et exactes : Roland Colonge, créateur du site ol-passe-present.fr, et Kamel, propriétaire du compte twitter @Statsdufoot.

Deux passionnés aux profils différents

Roland Colonge, né un jour après Jean-Michel Aulas, est un « collectionneur » de statistiques sur l’Olympique lyonnais. Ancien professeur de SES en lycée, il est passionné de statistiques sur son club de cœur, mais est avant tout « un passionné de l’OL ». Son premier match dans un stade, c’était à Gerland pour un OL-Reims, il y a une soixantaine d’années, avec un certain Raymond Kopa côté Rémois et Eugène Njo Léa côté Lyonnais. Mais c’est en 2012-2013 que Roland Colonge a commencé à regrouper des informations sur l’histoire du club, et a créé son propre site Internet. Tout a démarré lorsqu’il échangea avec un amateur de statistique, via un forum, qui lui transmit toutes ses données et dans lesquelles il manquait des feuilles de matchs datant de plusieurs décennies. A partir de ce jour-là, Roland s’est rendu une fois par semaine, pendant deux ans, à la bibliothèque de la Part Dieu, à 70km de son domicile, qui regroupe les archives du Progrès, pour retrouver les feuilles de matchs manquantes : composition des équipes, buteurs, etc. Aujourd’hui, son site ol-passe-present.fr, très complet, archive de nombreuses informations sur l’histoire de l'OL et ses joueurs. Mais il n’est pas toujours facile de trouver toutes les informations qu'il traite : « pour Rayan Cherki, je n'arrive pas à trouver sa taille et son poids ». Pour ne pas faire d’erreurs dans les informations qu’il regroupe, Roland se base au maximum sur les sources officielles : chiffres officiels de la LFP, documents administratifs pour les lieux de naissance et de décès, etc. Et si cela est nécessaire, il élargit ses recherches pour recouper les informations.

Kamel est lui un passionné des mathématiques et des chiffres. Il a créé le compte Twitter "Stats Foot" il y a environ deux ans, et y passe environ deux heures quotidiennement, si ce n’est plus, pour transmettre à ses abonnés des statistiques en lien avec l’actualité. Président de l’association "Combat Sport", qui lutte contre l’homophobie dans le sport, et le rugby en particulier, il regroupe des statistiques sur l’OL, mais aussi sur la Ligue 1, le football européen et l’équipe de France. Il a mis environ un an et demi à construire sa base, feuille de match après feuille de match, saison après saison, en essayant d’être le plus large possible dans les statistiques traitées, car « certaines stats ne sont pas importantes pour des personnes, mais le sont pour d’autres ». En revanche, il ne publie pas toutes ses statistiques sur son compte twitter, car ça ferait trop d’informations. Pour l’instant, il fait cette activité bénévolement, uniquement par passion, mais « espère un jour pouvoir en faire son métier, en se faisant embaucher par une société importante de statistiques, comme Opta ». Il fut d'ailleurs cité par le patron d’Opta dans un livre traitant des « Expected Goals » (xG).

L’Histoire du club au cœur des débats

Le problème avec les statistiques, c’est que certaines sont parfois subjectives. Le tir a-t-il été dévié ? A qui accorder le but ? Est-ce une passe décisive ? Mais dans l’histoire, au-delà des 20 ou 30 dernières années, les erreurs de statistiques peuvent aussi provenir d’une mauvaise retranscription des faits par un journaliste, comme une erreur sur le nom du buteur par exemple. A l’époque, la seule source d’informations était les journaux. Le Progrès au niveau régional, L'Equipe et France Football au niveau national, « étaient les trois sources références pour tenir des statistiques, bien que les données de L'Equipe soient moins accessibles pour moi, se trouvant à la bibliothèque Mitterrand de Paris ». Parfois, il arrivait que ces sources ne soient pas d’accord entre elles. Roland Colonge estime que concernant l’OL, « Le Progrès était la source la plus fiable. (...) On essaye d’approcher le plus prêt possible à la réalité, mais il y a toujours un risque de tomber sur une information erronée ». Le média du club, et son musée, sont également des sources importantes de données, « même s’ils peuvent contenir des erreurs ». Les débats et corrections entre statisticiens sont nombreux.

OL - CA Paris. Archive Le Progrès

Le débat entre Chiesa et Lacazette

L’exemple le plus concret date de la saison 2016/2017. Alors qu’Alexandre Lacazette s’approchait de la troisième place du classement des buteurs de l’OL, détenue par Serge Chiesa et ses 134 buts, Roland Colonge a pointé du doigt une erreur dans ce chiffre provenant de France Football. Selon lui, Serge Chiesa n’avait pas marqué 134 buts sous le maillot de l’OL, mais 131 buts. Finalement, son intervention a permis d'annuler deux buts dans les chiffres officiels : « Le premier était un penalty tiré par Jean-Paul Bernad, qui avait été accordé à Serge Chiesa par France Football, car c’était le tireur de penalty attitré de l’équipe ». C’est en consultant les archives du Progrès que Roland Colonge s’est rendu compte de l’erreur. Pour le deuxième but enlevé à l’ancien milieu offensif de l’OL, « il s’agissait d’un but contre-son-camp de Jean-Marc Furlan. Le Progrès signalait un CSC, L'Equipe évoquait également un CSC dans son "chapeau", mais se contredisait dans sa feuille de match, en accordant le but au milieu de terrain lyonnais, comme France Football ». La troisième erreur, selon notre collectionneur de statistiques,  est un coup-franc tiré par Serge Chiesa, dévié volontairement par un coéquipier. Ce but est toujours aujourd’hui attribué à Serge Chiesa dans les statistiques officielles. Roland Colonge a consacré une page entière à cette polémique, documents à l'appui, sur son site internet.

La 300e d'Anthony Lopes

Autre débat récent, la barre des 300 matchs franchie par Anthony Lopes le 27 août 2019, lors de la défaite 1-0 de l'OL à Montpellier. L’origine du débat vient d’un match à Bastia le 16 avril 2017, qui avait été arrêté à la mi-temps suite à l’agression de certains joueurs lyonnais par des supporteurs bastiais. La LFP ne comptait pas ce match pour Anthony Lopes, Maxime Gonalons etc. Mais le musée de l’OL le comptait. D’après Roland Colonge, « même si on n’est pas d’accord, la LFP, comme l’UEFA ou la FIFA, sont des sources officielles, dont les chiffres doivent être repris, à défaut d'avoir pu les faire modifier ». D’après Roland Colonge et Kamel, Anthony Lopes a un match de moins que ce qu’affirme le musée de l’OL. « D’ailleurs, même la fiche d’Anthony Lopes sur le site officiel de l’OL ne compte pas ce match », rappelle Roland. « Sa 300e a été fêtée un match trop tôt, car tout le monde a suivi le musée de l’OL, qui avait communiqué sur cet événement. Moi, j’aurais été pour compter ce match pour les joueurs, car ils ont joué une mi-temps. Mais si la LFP tranche différemment, je me plie à la décision de l’instance officielle. C’est la statistique officielle qui fait foi ». D'ailleurs, il est parfois possible de faire changer la statistique auprès de l’instance officielle, « comme Sébastien Duret de footofeminin.fr, qui avait convaincu l’UEFA à changer le nom d’une buteuse, en accordant un but à Mbock plutôt qu’un CSC ».

Bastia - OL, 16 avril 201 (AFP PHOTO / PASCAL POCHARD-CASABIANCA)

Les nouvelles statistiques, un enjeu pour les joueurs

Kamel a la passion des chiffres. Il suit chaque match en prenant des notes et en complétant les nombreuses statistiques qu’il suit. Le gros de son travail est ensuite de recouper les chiffres entre eux pour en faire une info. « Par exemple, lors du 6-0 contre Angers lors de la deuxième journée du championnat, deux joueurs lyonnais, Memphis Depay et Moussa Dembélé, ont inscrit un doublé. Il a fallu faire des recherches pour constater que ce n’était plus arrivé depuis deux ans ». Kamel ne se considère pas comme un historien, pour ce qui concerne son compte Twitter. Il travaille surtout sur les statistiques actuelles, et s’intéresse beaucoup à celles de plus en plus à la mode, recensées principalement par Opta : les Expected Goals (xG), les passes-clés, les courses à haute intensité.

Les passes-clés, « ce sont les passes avant les tirs. Le problème des passes décisives, c’est que le passeur est dépendant des autres. Si le joueur ne conclut pas, tir à côté ou autre, ce n’est généralement pas de la faute du passeur. C’est tout l’intérêt de la passe clé, qui ne prend pas en compte la réussite ou non du tir qui suit », analyse Kamel. Par exemple, « Memphis Depay, contre le PSG en janvier 2019, n’a pas marqué ni fait de passe décisive. Mais en regardant ses passes-clés, on se rend compte qu’il a beaucoup crée ». Cette statistique de "passes clés" n’est pas pour autant sans défaut. Si un joueur tir de 35 mètres, celui qui lui aura fait la passe se verra attribué une passe-clé, alors qu’il n’a pas crée grand-chose pour la faire. Finalement, la statistique qui serait la plus précise à ce sujet serait les « Expected Assists » (xA), sur le même principe que les « Expected Goals » (xG) mais concernant la passe.

Toutes ces statistiques récentes sont de plus en plus utilisées par les recruteurs, et impactent directement la valeur des joueurs. Par exemple, « Opta avait remarqué, par les XG, que sur la même situation en Ligue des champions, Zlatan Ibrahimovic était moins performant qu’en championnat », se souvient Kamel. Mais le risque de trop mettre en avant les statistiques est de voir les joueurs changer négativement leur façon de joueur pour les améliorer. Selon lui, « les joueurs peuvent essayer de faire le match le plus propre possible dans certains domaines, comme les passes, pour améliorer leurs stats ».

Différentes façons de vivre les statistiques

Selon Roland Colonge, « il existe deux types de collectionneurs de statistiques : les généreux, qui transmettent leurs données sans rien attendre en retour, et les "épiciers", qui gardent tout pour eux, tout en essayant d’en récupérer le plus possible chez les autres ». Pour lui, « le point le plus intéressant est de pouvoir créer une confraternité faite d’échanges, que ce soit par messages électroniques ou par des rencontres réelles, toujours très agréables. Ces liens qui se sont créés et qui se créeront sont très importants pour moi. Je tiens d’ailleurs à remercier, Olivier Tolachides, qui travaille sur l’équipe féminine pour le site officiel de l'OL, et qui n’a pas hésité à me citer dans ses commentaires lorsqu’il a été amené à utiliser mes statistiques ».

Kamel, lui, tient à rappeler que « ce ne sont pas les statisticiens qui font les statistiques, mais les joueurs, par leur performance. Quand une équipe ou un joueur fait une performance remarquable, c’est plus facile d’en sortir des statistiques ».

Ce vaste sujet ne sera certainement jamais exhaustif. Aujourd'hui, aucun statisticien ne tient de chiffres complets et justes sur les blessures des joueurs. A moins que ces chiffres ne soient pas partagés, comme ça pourrait être le cas au sein même des staffs médicaux des clubs.

Roland Colonge et Maxime Gonalons (ol-passe-present.fr)

5 commentaires
  1. Le_Lyonniste
    Le_Lyonniste - dim 17 Nov 19 à 15 h 54

    Quand j'étais ado et qu'on gagnait la L1 chaque saison, j'étais à fond dans les stats, mais en devenant adulte, je m'en suis détaché.

  2. Avatar
    Jarod777 - dim 17 Nov 19 à 16 h 42

    Enorme respect pour ces passionnés qui font un travail incroyable. Je suis fan des stats, et je trouve que cela a manqué durant beaucoup d'années, par rapport aux sports US par exemple. Merci à eux !

  3. Valbranque
    Valbranque - lun 18 Nov 19 à 12 h 10

    Article très intéressant! C'est drôle d'apprendre qu'il y ait des différences d'appréciation sur certaines stats (l'histoire du 300ème matchs de Lopes par exemple).

    Par contre je pose la question: les stats d'aujourd'hui sont-elles vraiment comparables avec celles d'y a 40 ou 50 ans? Le nombre de matchs officiels joués aujourd'hui n'est-il pas beaucoup plus important qu'à l'époque? Cela ne fausse-t-il pas quelque peu la comparaison notamment pour ce qui est des buts inscrits et des passes décisives?

    1. OLPassePresent
      OLPassePresent - mer 20 Nov 19 à 0 h 27

      C'est un vrai souci alors qu'il existe des statistiques officielles que le musée de l'OL s'arroge le droit de présenter des données n'en tenant pas compte. Un ego mal placé puis des médias un peu serviles donnent un certain crédit à ces choix erronés alors que des sites comme Opta ou Footballdatabase s'appuient eux sur les données de la LFP, qui est la référence officielle sur ce type de stats et nous indiquent les bons chiffres. Plutôt que de faire preuve de suivisme, si ces médias, pourtant alertés, avaient pris le temps de consulter ces sites bien plus autorisés et reconnus que le musée de l'OL, l'évidence serait apparue et on n'en serait pas là. Si le musée de l'OL n'est pas satisfait des choix de la LFP qu'il les fasse modifier !!!!

  4. OLVictory
    OLVictory - lun 18 Nov 19 à 14 h 40

    Très sympa cet article, c'est un sujet original !

    Je trouve aussi que les stats subjectives devraient être signalées et identifiées comme des avis personnels. C'est important pour les comparaisons entre des équipes ou des joueurs de savoir que la note dépend de celui qui établit la notation et pas d'éléments factuels.

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