Sandrine Dusang : « L’OL féminin est la meilleure équipe au monde »

Passionnée de football depuis son plus jeune âge, la native de Vichy a franchi les étapes une à une jusqu’à arriver au FC Lyon à l’âge de 19 ans, en 2003. Passée sous la coupe de l’Olympique lyonnais en 2004, la joueuse internationale à 47 reprises a fièrement porté les couleurs rhodaniennes durant neuf saisons. Fraîchement retraitée, elle revient avec intérêt sur son parcours lyonnais, sur ses activités actuelles ainsi que sur son aventure au Kilimandjaro où, en compagnie d’une vingtaine d’autres footballeuses du monde entier, elle a participé à un match de football au sommet du point culminant d’Afrique. Cette rencontre disputée à 5 729 mètres d’altitude marque la nouvelle référence au niveau mondial. Entretien.

Olympique-et-Lyonnais.com : Sandrine, quelles sont les raisons qui vous ont poussée à choisir le football, un sport assez peu commun pour une petite fille au début des années 90 ?

Sandrine Dusang : Effectivement, le football n’était pas le sport le plus populaire à cette époque-là chez les jeunes filles. Mais, je suis issue d’une famille où le football est le sport de référence. Ma grande sœur tapait dans le ballon, tout comme mon grand frère. Puis à l’école, j’étais assez proche des garçons et je jouais avec eux au football dans la cour de récréation. C’est donc tout naturellement que je me suis tournée vers ce sport. Dès six ans, j’ai signé ma première licence à Creuzier-le-Vieux dans mon village. Cela me permettait de m’amuser avec mes copains et de pouvoir entretenir cette passion pour le football. Pour l’anecdote, je m’étais, au préalable, tournée vers la danse comme la majorité des petites filles. J’ai tenu un mois car je pleurais à chaque cours. C’était un supplice (rires). J’ai eu la chance aussi d’avoir une famille assez ouverte, qui m’a laissé faire ce que j’aimais. Puis le fait de jouer dans un petit village, où tout le monde se connait, jouait en ma faveur aussi. Il n’y avait pas de jugement.

Comment les garçons se comportaient-ils avec vous au niveau des contacts ? Avez-vous senti de la retenue dans leur engagement physique ?

Tout dépendait des joueurs. Personnellement, j’ai toujours souhaité que les garçons jouent normalement avec moi. Justement, j’essayais moi-même de me mettre au niveau sur le plan physique et d’aller au contact. C’est sûrement le fait d’avoir joué avec les garçons qui m’a donné le goût du jeu physique (rires). Après, on ne va pas se mentir, il y avait parfois de la nervosité car pour un garçon, se faire chahuter ou dribbler par une fille est une atteinte à sa fierté (rires). Du coup, je peux affirmer que parfois, la retenue était toute relative et qu’elle se transformait en surplus d’agressivité. Cela m’a permis de me forger à la fois sur le plan du jeu et au niveau du caractère. Finalement, le seul véritable inconvénient à jouer avec les garçons se trouvait être la logistique. Il était délicat de partager le même vestiaire, surtout lorsque l’on grandit. Heureusement qu’il y avait le vestiaire des arbitres (rires).

Comment avez-vous vécu votre passage d’une équipe masculine/mixte à une équipe 100% féminine lorsque vous avez rejoint l’AS Moulins, le club phare du département de l’Allier ?

Pour être sincère, j’appréhendais un peu. Je n’avais pas forcément envie d’aller jouer avec les filles car j’avais peur d’être déçue. Le fait que le jeu aille moins vite et qu’il y ait moins de contacts ont fait que j’avais développé une certaine inquiétude en me disant que le football me plairait peut-être moins. Mais, j’avais presque atteint la limite d’âge. J’aurais pu rester encore un an avec les garçons puis j’ai eu cette opportunité de rejoindre l’AS Moulinoise après avec réalisé une détection avec la sélection régionale d’Auvergne. Il faut savoir saisir sa chance quand elle se présente. Du coup, j’ai migré vers une équipe féminine. Ce n’est pas pour autant que j’ai changé mon jeu. D’ailleurs, on m’a parfois stipulé de me calmer car j’étais trop rugueuse (rires). Peu m’en importait, le contact, c’est ce qui me plaisait.

 « J’ai rapidement eu l’ambition de porter le maillot de l’équipe de France »

A ce moment-là, quelles étaient vos ambitions dans le milieu du football ?

Le football féminin n’était pas aussi développé que maintenant, loin s’en faut. De ce fait, jamais je n’aurais pensé vivre de cette passion un jour. J’insiste sur le terme passion car c’est vraiment le mot juste. J’ai rapidement l’ambition de porter le maillot de l’équipe de France. Je jouais avec cet objectif en tête. Mais à aucun moment, j’ambitionnais de devenir une joueuse professionnelle car le football féminin était à des années lumières du professionnalisme. Il était même délicat de se tenir au courant des résultats tellement que la notoriété était faible et la couverture médiatique plus que relative…

Votre vœu est rapidement exaucé puisque vous portez le maillot bleu à l’âge de 16 ans lors d’une rencontre France-Allemagne (0-4) en U16. C’est toujours dans cette optique d’équipe de France que vous avez rejoint Clairefontaine en 2001 ?

Oui enfin quand je parle de jouer pour l’équipe de France, je fais référence à la catégorie senior avant toute chose. Après Moulins, j’ai eu la chance d’aller à Yzeure où j’ai eu l’opportunité de découvrir la deuxième division féminine à 16 ans. C’est à ce moment-là que j’ai eu l’occasion d’intégrer l’équipe de France. J’avais un peu de retard sur certaines de mes coéquipières qui avaient déjà été appelées au préalable. Mais je n’étais pas déçue car on ne peut pas ressentir de la déception quand on n’a jamais goûté à cette chose-là. Je me disais qu’il me manquait encore un truc et cela m’a permis de redoubler d’efforts. J’ai également eu la chance que Bruno Bini, alors sélectionneur des U18, me surclasse et me permette de jouer avec lui en équipe de France. Je pense avoir franchi une à une les marches. On ne m’a jamais jeté dans la fosse aux lions. C’est d’ailleurs dans cette optique de franchir un nouveau cap  que j’ai rejoint Clairefontaine qui était à l’époque, le seul centre de formation sur le plan national.

Qu’est-ce que vous a appris cette expérience à Clairefontaine ?

J’ai énormément progressé sur le plan du jeu car on s’entraînait tous les jours. J’ai passé deux saisons à Clairefontaine. En 2001-2002, je rentrais les week-ends pour jouer les matchs avec Yzeure alors que lors de l’exercice 2002-2003, Clairefontaine avait monté son équipe en D1 féminine. Cela devait être un tremplin pour moi pour ensuite lancer ma carrière. Puis quand vous sortez de ce centre, cela signifie que vous avez déjà prouvé certaines choses. Quand à 19 ans, on joue en première division, on n'est pas forcément en phase avec la réalité. On se dit que l’on a un bon niveau mais à aucun moment je me suis dit que c’était génial. Avec le recul, je réalise que ce n’est pas forcément donné à tout le monde. Même si c’est plus facile de le faire en D1 féminine qu’en Ligue 1 par exemple où si un joueur de 19 ans est titulaire, il est perçu comme une pépite.

 « Venir à Lyon était une vraie progression »

Comment avez-vous été repérée par le FC Lyon ?

Je ne sais pas exactement. Evoluant en première division, j’ai eu l’occasion d’affronter le club lyonnais. J’ai peut-être été performante contre eux (rires). Après, le fait de jouer en première division offre une certaine visibilité. Quoi qu’il en soit, la direction du FC Lyon via notamment Paul Piémontaise, le président, a pris contact avec moi pour me dire que mon profil intéressait Farid Benstiti, le coach de l’époque. Je suis venue à Lyon pour visiter les installations au stade Vuillermet. Le courant est bien passé entre toutes les parties et j’ai fait le choix de changer de vie en signant au FCL et en venant vivre à Lyon.

Qu’est ce qui a motivé un tel choix de votre part ?

Le FC Lyon était un club qui a eu une histoire dans le football féminin français. Puis c’était un club ambitieux qui venait de gagner le challenge de France, l’équivalent de la coupe de France, au nez et à la barbe du favori montpelliérain. C’était une vraie performance. Puis en équipe de France de jeunes, j’ai eu l’occasion de partager des moments avec plusieurs joueuses lyonnaises comme la gardienne Aurore Pegaz, Anne-Laure Perrot et surtout Sandrine Brétigny. On avait rapidement accrochées toutes ensemble. Elles sont devenues de bonnes copines. Le FC Lyon comptait également dans ses rangs la défenseure internationale Emmanuelle Sykora. Je savais que je pouvais progresser à ses côtés. Quand l'heure est venue, je lui ai en quelque sorte pris sa place (rires). Mais nous sommes restées très amies. Dernière chose, le projet que le club passe sous la coupe de l’Olympique lyonnais était assez avancé quand je suis arrivée en 2003. C’était une opportunité unique pour le club de grandir. Je ne pouvais être qu’intéressée par la possibilité de porter les couleurs lyonnaises.

Pensez-vous avoir pris un risque en poursuivant votre carrière à Lyon, une ville où vous n’avez aucun point d’attache, sachant que vous n’aviez pas le statut professionnel ?

Non pas du tout car dans le même temps, j’étais étudiante. Que je réalise mes études à Paris ou à Lyon, la différence n’était pas forcément énorme. D’autant plus qu’après le baccalauréat, j’avais opté pour un BTS (Brevet de Technicien Supérieur) force de vente. Le faire à Lyon ou à Paris, c’était pareil pour moi. Je percevais cette venue à Lyon comme une nouvelle étape. C’était une vraie progression à mes yeux.

 « L’OL n’est pas juste une équipe, il y a un groupe derrière »

Est-ce réellement possible de concilier études et sport de haut niveau ?

A Clairefontaine, je serais tentée de dire oui car nos emplois du temps étaient aménagés au préalable pour nous permettre de suivre les cours tout en allant aux entraînements. Tout était fait pour que l’on soit dans les meilleures conditions. Nous étions traitées comme des princesses (rires). A Lyon, tout a changé. J’avais d’un côté mon BTS et de l’autre le football. Il n’y avait aucun aménagement. En plus, j’étais domiciliée dans le 7e arrondissement de Lyon pour être proche de la Plaine des Jeux où avait lieu les entraînements et j’allais en cours à la Croix-Rousse dans le 4e. Je perdais énormément de temps et d’énergie dans les transports en commun. C’était nouveau pour moi. Mes journées s’étalaient de 6h30 du matin à 21h30 le soir entre les études et le football. Puis parfois, les cours ne coordonnaient pas avec mes horaires d’entraînements donc je devais faire des choix. Au bout de quelques mois, j’ai pris le risque d’abandonner mon BTS, le rythme était devenu ingérable.

On peut donc dire que vous avez fait le choix du football, au détriment des études ?

On peut effectivement faire ce constat. Après, je l’ai fait aussi car j’avais trouvé un emploi à l’Olympique lyonnais car je ne pouvais pas vivre du football. Je travaillais dans la branche vente par correspondance d’OL Merchandising. Par la suite, j’ai été rattachée directement à OL Groupe et j’ai occupé des fonctions d’assistante merchandising et assistante marketing. C’était devenu nettement plus simple aussi quand le club est devenu l’OL féminin car je pouvais aménager mon emploi du temps. J’ai beaucoup apprécié d’œuvrer pour le club car j’adore rencontrer et connaître du monde. Je pense qu’il est important de faire connaissance avec les administratifs qui eux-aussi, font en sorte de développer le club. L’Olympique lyonnais n’est pas juste une équipe de football, il y a tout un groupe derrière cette institution.

Pour en revenir au terrain, votre première saison sous les couleurs lyonnaises est couronnée de succès puisque le FCL conserve le Challenge de France. Qu’est-ce que représente ce premier titre à vos yeux ?

Pour moi, ce fut le point de départ de mes futurs succès à Lyon. Le fait de glaner un titre dès ma première saison symbolisait aussi le fait qu’à mes yeux, j’avais fait le bon choix en rejoignant Lyon. Pour le club, ce n’était que la continuité de la saison précédente car le FCL était tenant du titre dans cette compétition. J’ai tellement entendu parler du match et de la victoire de la saison précédente contre Montpellier (4-3) que j’avais l’impression d’avoir disputé cette rencontre (rires). Pour le FC Lyon, l’objectif était vraiment de conserver ce trophée, ce fut chose faite avec une victoire au dépend de Compiègne (2-0). Cela nous a permis de nous encrer encore davantage comme une des équipes à suivre sur le plan national. D’autant plus que le FCL est devenu l’Olympique lyonnais féminin quelques semaines plus tard…

« Aulas savait que le football féminin pouvait donner de la visibilité à l’institution OL »

Qu’est ce qui a changé dans le sillage de ce changement de nom ?

Sincèrement, le passage à l’OL féminin a tout changé. On a senti un engouement bien supérieur qu’au FCL, puisque les supporters des garçons ont été curieux de connaitre la qualité de l’équipe de filles de leur club. Avant, on jouait la plupart du temps devant 200 personnes alors qu’après le changement de nom, on atteignait parfois les 500 ! Evidemment, c’était en 2004, à une période où le football féminin n’avait pas la même notoriété qu’aujourd’hui. Puis, on jouait à l’OL quoi. C’est un nom qui parle à tout le monde. C’était une structure bien plus grosse et tout a rapidement été mis en œuvre pour notre réussite. De plus en plus, notre passion devenait notre métier même si l’on n’avait pas ce statut professionnel et que l’on travaillait encore à côté. Mais c’était encadré par l’OL et aménagé en fonction du sportif.

Quels ont été les premiers mots de Jean-Michel Aulas lorsque le club est devenu l’OL féminin ?

Je me souviens qu’il y avait eu un rassemblement avec Jean-Michel Aulas et Paul Piémontaise, notre président au FCL. Il est d’ailleurs resté en charge de la section féminine jusqu’en 2014. C’est aujourd’hui Marino Faccioli qui occupe ce poste. Je sais que le discours était assez officiel et qu’ils nous ont présenté leur projet. Mais on voyait bien qu’ils partaient un peu dans l’inconnu et qu’ils ne savaient pas comment ils allaient structurer les choses. Pour Jean-Michel Aulas, se lancer dans le football féminin était un vrai pari.

Pourquoi s’est-il lancé dans le football féminin selon vous ?

Jean-Michel Aulas est un homme passionné mais surtout un homme de défis. C’est également un fin stratège. Il n’est pas venu dans le football féminin dans le but de gagner de l’argent mais je pense qu’il savait pertinemment que le football féminin pouvait donner de la visibilité à l’institution OL et devenir une autre vitrine du club. Mais pour cela, il se devait de développer le football féminin. C’est ce qu’il a fait avec son ami Louis Nicollin qui était le pionnier en la matière du côté de Montpellier. Je pense qu’il n’est d’ailleurs pas étranger à la création de l’OL féminin. Jean-Michel Aulas a dû longuement converser avec lui avant de se lancer. Puis dernière chose, Jean-Michel Aulas est quelqu’un qui souhaite avant tout réussir et gagner. Le FC Lyon était un vrai club à potentiel, qui jouait déjà les premiers rôles sur la scène national. Il y avait déjà une bonne base au niveau des joueuses. Si en termes de structures, tout est partie de 0, ce n’était pas totalement le cas sur le plan sportif.

 « L’arrivée des Américaines n’était pas seulement un choix sportif »

Dès le mercato hivernal, Jean-Michel Aulas décide d’enrôler cinq Américaines (Lorrie Fair, Danielle Slaton, Aly Wagner, Christie Welsh et la gardienne Hope Solo) réputées comme des références mondiales. Qu’avez-vous pensez de ce premier coup de poker ?

C’était totalement inattendu. Je me rappelle même m’être demandée si l’arrivée de telles joueuses n’était pas un canular (rires). Mais même si elles avaient une énorme réputation au niveau mondial, j’ai la sensation que la volonté de Jean-Michel Aulas était de faire un gros coup médiatique et marketing, comme ce fut le cas avec Alex Morgan. Il venait de monter une équipe féminine à l’OL et il voulait que l’on parle de ça donc il a misé sur le recrutement de références internationales pour cela. Puis le football féminin est très développé sur le sol américain donc c’était le moyen de faire parler de l’OL dans un pays où le club avait une notoriété assez faible.

Comment ont-elles vécu leur expérience à l’OL ?

Quand elles sont arrivées, elles étaient très enthousiastes car ce sont des filles qui appréciaient beaucoup la France. Notre pays a plutôt bonne réputation outre-Atlantique. Je pense qu’elles connaissaient déjà l’OL de nom vu que l’équipe masculine réalisait ses premiers exploits en Ligue des champions. Mais j’ai un sérieux doute sur le fait qu’elles savaient au préalable que l’OL possédait également une section féminine (rires). Les joueuses ont rapidement compris que l’engouement pour le football féminin en France était à des années lumières de celui qu’elles connaissaient aux Etats-Unis. Quand elles se sont retrouvées à jouer sur un terrain de campagne devant 300 personnes, je pense qu’elles se sont demandées où elles avaient mis les pieds (rires). Puis il y avait un réel écart de niveau entre certaines équipes et elles trouvaient ça surprenant de gagner parfois aussi aisément. Tout ce contexte fait qu’à mes yeux, elles ne garderont pas un souvenir impérissable de leur passage dans la capitale des Gaules.

D’autant plus que sportivement, la réussite n’a pas été au rendez-vous puisque malgré ce recrutement clinquant, l’OL ne termine que troisième du championnat et chute en finale du challenge de France face à Juvisy aux tirs-au-but. Comment expliquer cette contre-performance ?

Il y a eu un bond énorme d’une année à l’autre. On ne pensait pas que les choses iraient aussi vite. Et avec le recul, on peut dire que c’est allé trop vite. Maintenant, j’ai le sentiment que Jean-Michel Aulas ne s’attendait pas à ce que l’équipe soit performante de suite. C’est la raison pour laquelle il ne nous mettait pas la pression. Cela renforce la thèse que l’arrivée des Américaines n’était pas seulement un choix sportif. Leur adaptation a été délicate et elles n’étaient là que pour une pige de quelques mois. Elles ne rentraient pas vraiment dans le schéma du football français qui est beaucoup plus technique que le leur, qui est lui basé sur le physique. On ne se comprenait pas sur le terrain, elles essayaient de s’intégrer et de parler aux autres mais c’était délicat. Puis le fait qu’elles étaient cinq favorisait cette notion de « clan » et sur le terrain, elles jouaient beaucoup entre elles. Cette période ne restera pas comme la meilleure sur le plan collectif. Je me souviens qu’on c’était pas mal fait chambrer avec certaines contre-performances notamment par Louisa Necib, qui jouait à Clairefontaine

« Le club a pris le temps de construire une équipe »

Finalement, le premier titre de champion de France intervient trois ans après le changement FCL/OL. On peut dire que vous avez pris votre temps…

Oui (rires). Il faut dire qu’avec Montpellier et Juvisy, la concurrence a été rude. Le club a pris le temps de construire une équipe et surtout le recrutement axé sur les joueuses françaises comme Hoda Lattaf, Camille Abily, Sonia Bompastor ou Laure Lepailleur a vraiment porté ses fruits. Les dirigeants ont tiré les leçons de leurs erreurs. De grandes joueuses internationales nous ont également rejoint comme Simone, Katia ou Shirley Cruz. Mais là, c’était dans un vrai but sportif. Elles ont d’ailleurs apporté une vraie plus-value. En tout cas, ce titre de championne de France était amplement mérité. Je crois que l’on ne perd qu’un seul match sur l’ensemble de la saison en championnat. Ce fut un juste retour des choses. On était heureuses de pouvoir rendre la pareille aux investissements à la fois personnel et financier de Jean-Michel Aulas à l’égard de l’équipe. Il était souvent présent aux matchs et ils cherchaient à nous mettre dans les meilleures conditions. On avait notamment accès aux mêmes structures médicales ainsi qu'à la salle de musculation des garçons.

En parlant des garçons, quels étaient vos liens avec l’équipe masculine ?

Au fur et à mesure de cohabiter ensemble, les liens ont été de plus en plus forts. Au début, il n’y avait pas beaucoup d’échanges entre nous, il faut être honnête. On jetait un petit coup d’œil à Tola Vologe parfois mais rien de très poussé. Puis petit à petit, les garçons ont vraiment intégré le fait que l’on faisait partie du même club. Si personne ne nous a jamais vraiment snobé, il y a certains joueurs avec qui le courant passait très facilement comme Sidney Govou, Grégory Coupet, Cris, Juninho, Claudio Caçapa ou Loïc Rémy. Culturellement, les Brésiliens sont assez emballés par le football féminin. Parfois, ce sont même eux qui venaient nous voir pour nous parler. Après, le club a aussi bien fait les choses en organisant certains événements conjointement entre les sections féminines et masculines. Je pense notamment à la photo officielle ou à l’arbre de Noël. C’était un symbole fort envoyé par le club. Cela signifiait que l’on était prise en considération.

Venaient-ils parfois à la Plaine des Jeux assister à vos matchs ?

J’ai le souvenir d’avoir vu Sidney Govou, Claudio Caçapa et Loïc Rémy venir assister à certaines de nos rencontres oui. Après, je ne sais pas si ça leur faisait plaisir ou si c’est le club qui les obligeaient (rires). Mais je peux comprendre que quand on a une telle notoriété comme c’était le cas pour les garçons, on ne veut pas forcément se retrouver au milieu de public et d’être dérangé en permanence. Nous, on était plus tranquilles dans les travées de Gerland (rires). C’était d’ailleurs assez rare que l’on rate un match.

 « On grandit davantage dans les défaites que dans les victoires »

Depuis ce premier titre de championne de France remporté en 2007, l’OL n’a jamais lâché sa couronne nationale. Est-ce que vous vous attendiez à une telle hégémonie ?

J'ai envie de dire oui, car à chaque saison, les meilleures joueuses françaises ont rejoint le club. Ce sont des filles qui ont prouvé au plus haut niveau et qui sont parées aux joutes du championnat français. Il n’y a donc pas de temps d’adaptation comme pour une joueuse international par exemple, qui mettra sans doute un peu plus de temps avant d’exploiter son potentiel total. De ce fait, avec cette base solide, l’OL a présenté chaque saison, l’équipe la plus compétitive de France aussi bien sur la qualité individuelle que sur le collectif car au fil du temps, un vrai collectif s’est créé. Depuis des années maintenant, Lyon a un réel avantage sur ses adversaires que ce soit sur le plan national ou même continental. Jean-Michel Aulas s’est donné les moyens de réussir en emmenant le football féminin français sur la voie de la professionnalisation et ce n’est que justice qu’il réussisse. Sincèrement, quand on a commencé à avoir les meilleures joueuses, on ne voyait pas vraiment quel club pourrait nous concurrencer, je pense que cette remarque est encore valable aujourd’hui. Même si le PSG s’est aussi développé.

A l’instar du titre de championne de France glané trois saisons après la création de l’OL féminin, vous avez remporté la Women’s Champions League trois ans après le titre hexagonal. On peut également parler de progression logique ?

Oui car avant de gagner cette Ligue des champions, nous sommes tombées en demi-finale en 2008 contre les Suédoises d’UMEA à cause des buts à l’extérieur (1-1 ; 0-0) en 2008. Au cours de cette campagne, nous avons réalisé notre premier exploit européen en éliminant Arsenal Ladies, les tenantes du titre (3-2 ; 0-0). En 2009, nous tombons une nouvelle fois en demi-finale face aux Allemandes de Duisbourg (1-1 ; 1-3). En 2010, nous parvenons à atteindre la finale. Malheureusement, nous échouons à l’épreuve fatidique des tirs-au-but. Entre le challenge de France et la Ligue des champions, on a quand même perdu pas mal de finale aux tirs-au-but… Nos bourreaux se nommèrent le Turbine Postdam (0-0). Heureusement, nous avons pris notre revanche en 2011 pour notre premier titre européen face à ce même adversaire. Si l’on regarde notre parcours, on peut parler de vraie progression.

Vous aviez pris l’habitude de perdre que très peu de matchs. Que vous ont apporté vos différentes défaites et éliminations que ce soit en championnat, en challenge de France ou en coupe d’Europe ?

Je pense que l’on apprend et l’on grandit davantage dans les défaites que dans les victoires. Alors certes, nous avions l’habitude de gagner mais il ne faut pas perdre de vue que dans le sport, jamais rien n’est acquis d’avance. Personne n’est jamais à l’abri d’un match sans et d’une déconvenue. C’est la raison pour laquelle, il faut toujours avoir la même exigence selon les adversaires. La défaite fait partie du sport. Elle doit être accompagnée de leçons et d’enseignements pour justement progresser.

 « L’OL avait besoin de quelqu’un comme Patrice Lair pour gagner la Ligue des champions »

Au cours de l’été 2010, le club a changé de cap en nommant Patrice Lair à la tête de l’équipe en lieu et place de Farid Benstiti, en place depuis 2001. Quelles étaient les différences entre les deux coachs ?

Elles étaient très marquées (rires). Farid (Benstiti) s’est beaucoup servi de son expérience de joueur. C’est un entraîneur qui a tendance à donner sa confiance aux jeunes. Cela s’est un peu estompé par la suite avec les recrutements réalisés. Avec lui, je n’ai jamais eu de problème car je suis quelqu’un qui va facilement vers les gens. Mais il a toujours eu cette réputation de ne pas être un bon communiquant. On va dire qu’il savait s’appuyer sur les joueuses cadres pour faire passer ses messages… Puis au fil du temps, les choses ont changé. Au début, c’était le FCL, on voyait sa femme et ses enfants, c’était assez intime. Après, il a pris de la distance avec le développement du club. A l’inverse, Patrice Lair tout comme Gérard Prêcheur qui lui a succédé, sont des entraîneurs à très fort tempérament. Ce sont des « gueulards ». Patrice (Lair) est un passionné et un compétiteur. Le club avait besoin de quelqu’un comme lui pour gagner la Ligue des champions. Je pense qu’il fallait redonner un second souffle à l’équipe et remobiliser tout le monde. Jean-Michel Aulas l’avait parfaitement saisi.

Selon vous, l’arrivée de Patrice Lair vous a donc permis de remporter la Women’s Champions League ?

Oui très clairement même si ce n’est pas la seule explication. Il a amené ce petit supplément d’âme avec son tempérament. Puis malgré son exigence, c’est un coach qui reconnait et qui félicite quand les choses sont bien faites. Par contre, quand ça ne lui convient pas, il va faire en sorte que l’on corrige le tir rapidement. Je me souviens de certains séances d’entraînement où notre rendu ne lui donnait pas satisfaction. On restait 30 à 40 minutes supplémentaires pour réussir les exercices. Cette exigence nous a fait progresser et nous a permis de faire des différences sur des détails. Lors de la finale de la Ligue des champions, il connaissait le contexte avec une défaite cruelle la saison précédente. On aurait même dit qu’il était déjà avec nous tant son discours était fondé et détaillé. Il a eu un rôle central dans notre succès.

Qu’avez-vous ressenti après avoir soulevé gagné cette fameuse coupe d’Europe ?

Je dirai qu’avant tout, c’était une réelle fierté mais aussi un aboutissement de tout le travail réalisé depuis plusieurs années que ce soit de la part des joueuses et de la direction. On est rentré dans l’histoire ce 26 mai 2011. Non seulement, on était la première équipe française à remporter cette compétition mais on était aussi la première équipe de l’OL à remporter une coupe européenne.

 « Jean-Michel Aulas montre davantage son côté humain avec l’équipe féminine »

C’était important pour vous de gagner une coupe d’Europe avant les garçons ?

Absolument pas. C’est d’ailleurs dommage qu’il y ait sans cesse des comparaisons car ce n’est pas comparable. Au contraire, on avait presque envie qu’ils viennent soulever le trophée avec nous sur le podium. On a toujours souhaité s’inscrire dans une logique de club et non dans une rivalité qui serait, pour le coup, ridicule.

Finalement, on peut dire que Jean-Michel Aulas a réussi son pari en misant sur le football féminin à l’OL…

Bien sûr. Ce qui est remarquable c’est qu’il a souvent été présent. C’est quelqu’un qui aime vraiment le football féminin. Je me souviens de notre qualification à Arsenal en 2008 sur un terrain horrible. Il était là et à la fin du match, il était comme un fou (rires). Chaque club et chaque président a sa façon de traiter son équipe féminine avec plus ou moins d’importance. Aujourd’hui, quasiment chaque club professionnel à son équipe féminine mais avec une importance aléatoire (sic). Jean-Michel Aulas a toujours œuvré pour le développement du football féminin et les résultats de l’OL sont un juste retour des choses pour lui.

On le connait omniprésent dans les médias, toujours présent pour défendre son club quitte à parfois être de mauvaise foi. Comment se comportait-il avec vous ?

Encore une fois, la médiatisation est davantage liée à l’équipe masculine même si le football féminin est de plus en plus mis en avant. Mais avec nous, ce n’étaient pas les mêmes enjeux qu’avec les garçons et la médiatisation était largement inférieure. Ainsi, Jean-Michel Aulas pouvait davantage se lâcher et je pense qu’il montrait son vrai côté humain. Il avait une vraie proximité avec nous. Il nous a ouvert les portes des installations médicales des garçons, on a eu droit à des vols privés pour partir en déplacement, aujourd’hui les filles profitent des installations du Groupama Training Center. Bref, il a montré au fil du temps que l’équipe féminine était une réelle priorité à ses yeux. Puis, je pense qu’il a quand même vécu des moments et des émotions forts à nos côtés.

 « Lorsque je suis partie, j’étais en colère contre Patrice Lair »

Selon vous, est-ce que les résultats probants de l’OL féminin ne lui ont pas servis un peu de parachute à une période où la section masculine déclinait quelque peu ?

C’est possible en effet (rires). Nos succès ont débuté pendant la période faste des garçons. Je me souviens d’ailleurs de notre fête commune à Saint-Tropez en 2008 puisque chacune des deux sections avaient réalisés le doublé coupe/championnat. Après, il est vrai que les garçons n’ont plus régné comme c’était le cas précédemment donc nos succès étaient sans doute un petit refuge pour lui. L’équipe féminine a amené une nouvelle vague de trophées au club donc un nouveau souffle. Le club comme le président avaient besoin de ça.

A titre personnel, vous quittez le club en 2012 après neuf ans de bons et loyaux services. Quelles sont les raisons de votre départ ?

En neuf saisons à l’OL, j’ai quasiment tout connu entre les hauts avec nos nombreux succès et les bas avec mes différentes blessures. Je me suis fait les ligaments croisés du genou gauche puis le tendon d’Achille côté droit puis les ligaments croisés du genou droit… J’ai tout enchaîné mais je suis toujours parvenue à revenir. Je jouais trois, quatre, cinq mois et je replongeais. On se dit toujours que l’on va revenir plus fort mais c’était constamment une épreuve supplémentaire. Lors de ma dernière blessure, Patrice Lair a dû faire sans moi. L’équipe a bien tourné mais je n’étais plus indispensable. J’ai connu un exercice 2011-2012 pour le moins frustrant puisque je n’ai pas joué une seule minute que ce soit en championnat, en challenge de France et en coupe d’Europe. Je m’entraînais la semaine et je jouais le week-end en Division d’Honneur avec l’équipe réserve.  Cela m’a permis d’apprendre d’autres choses et d’aider d’autres filles mais après neuf ans passés à Lyon, je trouve ça dommage d’avoir terminé sur une saison blanche. Après cela, je n’avais pas d’autres choix que de partir.

Vous n’avez eu aucun échange avec Patrice Lair vis-à-vis de votre situation ?

Si, il m'a simplement dit que je ne rentrais pas dans ses plans, sans rentrer dans les détails. Patrice est une personne franche, s’il veut vous dire quelque chose, il vous le dit. S’il ne vous parle pas, c’est qu’il n’a rien à vous dire. J’étais en colère contre lui car il aurait pu au moins me faire rentrer dans chacune des compétitions surtout qu’il en a eu l’opportunité. Mais j’ai la sensation qu’il ne se rendait pas forcément compte de la situation. Il n’a pas perçu que mon aventure à l’OL allait se terminer de façon aussi triste car il aurait été ridicule pour moi de rester dans cette situation. On en reparlera peut-être un jour mais cinq ans après on n’a jamais évoqué ce sujet lui et moi. Ce qui est également dommage c’est qu’avec Bret (Sandrine Brétigny, ndlr), nous étions les deux seules joueuses de l’effectif à ce moment-là à avoir connu le FC Lyon. Nous sommes toutes les deux parties en 2012. Il n'y a rien eu de spécial d'organiser donc nous avons convié, de notre propre chef, toutes les filles de l'équipe, à un repas à ICEO, un restaurant proche de la place Jean Jaurès, pour leur dire au revoir.

« Il y a une vie après le football »

Vous êtes donc partie avec un sentiment d’amertume ?

Non car je ne retiens que les meilleurs souvenirs. La fin me laisse des regrets mais ce n’est rien par rapport à tout ce que j’ai vécu de fort à Lyon où j’ai connu les plus belles années de ma carrière, sans contestation possible.

Vous avez ensuite rejoint la région parisienne et Juvisy, club avec lequel vous avez eu l’occasion de recroiser la route de l’OL. Peut-on parler de rencontres particulières pour vous ?

C’est forcément particulier de jouer contre son ancien club. On a forcément envie de bien faire. Mais paradoxalement, j’ai souvent eu des pépins à l’abord des matchs contre Lyon. Je pense que j’ai davantage raté de matchs que j’en ai joués. On va dire que c’est le destin (rires). En tout cas, c’était toujours assez cocasse de disputer un match face à l’OL car je connaissais le jeu des joueuses et inversement. C’était surtout le cas avec Lotta Schelin, que j’avais au marquage. Du coup, on essayait chacune de changer notre jeu pour tromper l’autre (rires).

Après cinq saisons à Juvisy, vous avez décidé de prendre votre retraite à seulement 33 ans. Qu’est ce qui a motivé un tel choix ?

Comme je l’ai évoqué précédemment, j’ai eu beaucoup de graves blessures au cours de ma carrière. Mon corps a beaucoup souffert. Lors de ma dernière saison, j’avais mal au genou de manière quotidienne. Mon genou craquait régulièrement aussi. J’ai passé une batterie d’examens qui ont révélé que je souffrais d’arthrose. Par conséquent, il était plus judicieux pour moi de me retirer des terrains. De toute façon, je m’étais préparée mentalement à arrêter ma carrière depuis deux ans. Je n’ai pas envie de porter une prothèse à 40 ans parce que j’ai voulu faire durer ma carrière. Je pense que c’était le bon moment. Je n’ai aucun regret. J’ai le sentiment d’avoir réalisé une belle carrière mais il y a une vie après le football et je veux la vivre en pleine possession de mes moyens.

« Un énorme sentiment de fierté d’avoir disputé ce match au sommet du Kilimandjaro »

Vous bouclez votre carrière avec un total de 47 sélections avec l’équipe de France. Pensez-vous que vous avez bâti votre carrière internationale grâce à l’OL ?

J’ai découvert l’équipe de France étant jeune à Clairefontaine donc si j’ai eu la chance de porter le maillot bleu, je le dois à ma formation, à mon travail mais aussi au fait que j’ai eu l’opportunité d’évoluer sous le maillot de l’Olympique lyonnais dont j’ai été quelques fois capitaine. Il est évident que ça m’a aidé à perdurer sous le maillot tricolore.

Vous avez disputé votre ultime match officiel face à l’Olympique de Marseille mais votre dernier match correspond au record du monde du match disputé à la plus haute altitude puisque vous avez joué au sommet du Kilimandjaro (5 729 m). Racontez-nous cette aventure.

Ce projet incroyable a été mis en place par une ONG (Organisation Non Gouvernementale, ndlr) nommée Equal Playing Field, qui cherche à combattre les inégalités dans le football. Parmi cette structure, il y a une Française, qui a pris contact avec moi. Elle souhaitait que je participe à cette aventure car l’objectif était de faire un match avec 22 filles dont la plupart de nationalités différentes. J’ai accepté dès le lendemain de son appel. Normalement, Julie Soyer, qui jouait avec moi à Juvisy aurait également dû être de la partie mais elle s’est blessée durant le dernier match. Mais pour moi, ce fut un mal pour un bien car je me serais moins ouverte aux autres si elle avait été présente. C’était un vrai défi à la fois sportif et personnel. Parce que gravir le point culminant de l’Afrique, ce n’est pas aisé. Au sommet, nous avons eu quelques problèmes respiratoires car on était privés de plus de 35% d’oxygène par rapport à une altitude normale. Le côté humain était également très fort puisque l’on a appris de chacune. On a pu se rendre compte des différences de perceptions du football féminin à travers le monde. Finalement, nous sommes toutes arrivées au sommet hormis deux filles qui n’ont pas pu en raison de soucis de santé.

Cela procure quelles sensations de jouer au football à 5 729 mètres d’altitude ?

Ce n’était pas évident du tout déjà au niveau respiratoire puis on ne peut pas dire que la surface au sommet était propice à la pratique du football. Je m'attendais à un terrain assez dur et finalement c’était une sorte de cratère en sable. On a fait davantage du beach soccer qu’autre chose (rires). Personnellement, je n’ai rien d’une joueuse de beach soccer en plus (rires). Pour valider le record, nous nous devions de disputer les fameuses 90 minutes. Ce fut le cas mais le match s’est soldé sur un résultat nul et vierge. Le fait qu’il n’y ait pas eu de but marqué est peut-être l’un des seuls regrets de l’aventure mais c’est bien que ce match se soit soldé sur un score de parité. Pour l’anecdote, j’ai eu la plus belle occasion de la partie mais ma frappe a fui de peu le cadre. En tout cas, j’ai encore aujourd’hui un énorme sentiment de fierté. Nous sommes véritablement rentrées dans l’histoire et dans le Guinness Book des Records.

« J’ai dû payer personnellement mon aventure car personne n’a souhaité m'aider financièrement »

Vous avez réalisé un exploit incroyable pourtant, on a l’impression qu’il est passé complètement inaperçu en France. Partagez-vous cet avis ?

Non c’est la stricte vérité. Et c’est un constat dommageable. Il y a des pays auquel on ne s’attend pas forcément qui ont beaucoup parlé de l’événement comme la Jordanie. Pour cette aventure, nous devions récolter des fonds pour tous les frais engendrés soit environ 3 000€. La joueuse jordanienne a trouvé son financement en moins d’une semaine. Pour ma part, j’ai dû payer de ma poche car personne n’a souhaité me soutenir financièrement. Je pense qu’en France, il y a un vrai problème de mentalité. On ne souhaite pas aider les autres à réaliser leurs projets. Les personnes à qui j’en ai parlé ont trouvé ça génial mais ce n’est pas pour autant qu’elles m’ont aidée. Il est évident que j’aurais aimé davantage de soutien à la fois financier et médiatique car hormis un passage sur Europe 1 dans l’émission d’Alessandra Sublet et deux ou trois articles dans la presse, il n’y a rien eu. Peut-être que cela n’était pas assez intéressant pour les grands médias sportifs ou nationaux (sic). BeIn Sport Qatar qui était partenaire de cet événement a réalisé un beau reportage sur cette aventure. BeIn Sport Angleterre l’a diffusé notamment mais BeIn Sport France n’en a même pas voulu… Mais qu’importe, j’estime être une privilégiée d’avoir participé à un tel séjour.

Depuis votre retour de Tanzanie et avec l’arrêt de votre carrière, de quoi est composé votre quotidien ?

Je suis à la tête d’une auto-entreprise où je réalise en free-lance des activités en lien avec les médias. Par exemple, je suis rédactrice et consultante depuis plusieurs années maintenant pour le site Foot d’Elles, qui traite de l’actualité du football féminin. Je rédige des interviews, je dresse des portraits, je donne mon avis. C’est quelque chose qui me plait beaucoup. Je cherche également à travailler avec des médias locaux du côté de Montpellier, où je réside désormais. J’ai aussi eu l’occasion de collaborer avec RMC puisque j’avais commenté la dernière finale de Ligue des champions féminine entre l’OL et le PSG en compagnie de Jérôme Rothen. Je suis ouverte à tout nouveau projet. Pour le moment, je n’ai rien défini concernant mon avenir que ce soit en termes de profession ou de lieu de résidence. Mais dans le futur, j’aimerais beaucoup travailler soit dans les médias soit occuper une profession dans le marketing ou la communication.

L’idée de revenir à l’Olympique lyonnais où vous aviez déjà occupé un poste administratif ne vous a pas traversé l’esprit ?

Si bien sûr d’autant plus que je ne cache pas que Lyon reste ma ville préférée et que ça pourrait me plaire de retourner vivre là-bas. Je suis bien évidemment ouverte à l’idée de travailler à l’OL que ce soit dans le marketing ou la communication ou alors pour le compte d’OLTV. Lorsque j’étais blessée, j’ai d’ailleurs eu l’opportunité de commenter certains matchs aux côtés d’Olivier Tolachides et j’avais beaucoup apprécié donc pourquoi pas. Mais, pour le moment, j’ai besoin de quelque chose de nouveau. C’est peut-être idiot mais ça faisait 16 ans que je n’avais quasiment pas de week-ends de libre. J’ai envie de profiter un peu de ma liberté. Ça me passera forcément.

« Je ne vois pas quelle équipe pourrait arrêter l’OL »

On peut imaginer que votre rôle de consultante vous permet d’être toujours au plus près du football féminin. Que pensez-vous de l’équipe actuel de l’Olympique lyonnais ?

A mes yeux, l’OL féminin possède la meilleure équipe au monde. En France, comme en Europe, je ne vois pas quelle équipe pourrait les arrêter. Après, il faudrait se confronter aux formations Nord-Américaines dans une sorte de Mondial des clubs comme cela se fait très bien chez les hommes. Je pense que l’on devrait y arriver à court ou moyen terme. Mais pour moi, les équipes Nord-Américaines sont inférieures à l’OL. Comme je l’ai évoqué, c’est un jeu grandement basé sur le physique à force de kick and rush. Même si le championnat américain reste la référence, je trouve que le jeu pratiqué est moins fluide que ce que proposent les Fenottes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les Américaines ont dû mal à s’acclimater quand elles arrivent à Lyon.

Ce fut le cas d’Alex Morgan dont les prestations n’ont pas été à la hauteur de l’engouement médiatique qu’à engendrer son transfert…

Oui. On ne trahira aucun secret si on dit qu’Alex Morgan n’a pas eu le rendement escompté. Il y avait un gouffre entre son niveau en sélection et ses prestations sous le maillot lyonnais. Le problème aussi est qu’elle n’est restée que quelques mois. Pour s’acclimater et être vraiment performante, il faut s’inscrire sur la durée. C’est ce que semble vouloir faire le club avec Morgan Brian. Elle devrait signer prochainement si elle trouve un accord avec la fédération américaine, qui ne voit pas d’un très bon œil l’exil longue durée d’une de ses joueuses majeures.

Justement, le fait de parier sur des joueuses étrangères n’est-il pas un frein à la formation et au développement de l’équipe de France ?

On peut voir les choses de plusieurs manières. Certes, les joueuses de niveau international freinent l’essor de joueuses formées au club et donc indirectement de l’équipe de France. Ces joueuses sont dans l’obligation de s’exiler pour avoir du temps de jeu et pour percer. On peut prendre l’exemple de Kenza Dali qui a été formé à Lyon mais qui a explosé au PSG. Finalement, elle a su atteindre un tel niveau que l’OL l’a fait revenir cet été. Maintenant, quand on est la meilleure équipe du monde, on se doit d’avoir le meilleur effectif donc c’est délicat de lancer des jeunes. Soit on est un club formateur soit on est un grand club mais on possède rarement les deux casquettes. Puis le fait d’avoir quelques-unes des meilleures joueuses du monde dans son championnat ou au sein de son effectif est une vraie locomotive. Aujourd’hui, je pense que toute joueuse a l’ambition de porter le maillot de l’OL car c’est devenu un club de référence. Après, il faut savoir trouver le bon équilibre entre les Françaises et les étrangères.  Le côté club est toujours présent avec Wendy Renard et Sarah Bouhhadi.

« J’ai été très surprise de la nomination de Reynald Pedros »

Selon vous, les valeurs que vous avez connu au club sont-elles toujours présentes aujourd’hui malgré la mise en avant récurrente du club ?

Il est évident que l’esprit familial qui régnait quand j’ai signé au FC Lyon n’est plus du tout le même aujourd’hui. Ce qui est normal car le club s’est développé puis l’arrivée de joueuses étrangères n’a pas aidé non plus. Mais je pense qu’au sein du club, il y a toujours cet esprit convivial et surtout ce respect des filles et de la section féminine. Dans les conditions de travail, je pense d’ailleurs que les filles sont logées à la même enseigne que les garçons. Et croyez-moi, ce n’est vraiment pas le cas partout, loin s’en faut.

N’y a-t-il pas une forme de lassitude de constamment gagner et souvent avec un écart de buts important ?

Je ne sais pas si on peut utiliser le terme de lassitude mais c’est vrai que j’ai l’impression qu’elles ne savourent pas toujours leurs victoires. Jouer une demi-finale ou une finale de Ligue des champions est devenu une norme pour l’OL. Il y a une sorte de banalisation de performances qui sont pourtant exceptionnelles. Maintenant, dans le football, tout peut aller très vite. Tomber dans la facilité est un danger quotidien. Il faut également savoir rester humble. Il faut avoir conscience de la chance qu’ont les joueuses de porter le maillot de l’OL. Mais on ne peut que regretter que l’on n’ait pas une adversité plus importante notamment en championnat. Cela peut d’ailleurs parfois leur porter préjudice sur la scène européenne car elles ne sont pas habituées à une telle adversité.

Cet été, l’OL a misé sur Reynald Pedros pour prendre la succession de Gérard Prêcheur à la tête de l’équipe première. Qu’avez-vous pensé de ce choix ?

Honnêtement, j’ai été très surprise. Dans la presse, deux noms plutôt cohérents avaient circulé avec la sélectionneuse de l’équipe suédoise Pia Sundhage et l’entraîneur de Wolfsbourg, Ralf Kellerman. Ce sont deux personnes qui ont de nombreuses références au plus haut niveau du football féminin. Finalement, le club a choisi Reynald Pedros qui a peu d’expérience en tant qu’entraîneur et encore moins dans le football féminin. On est même en droit de se demander ce qu’il connait vraiment du football féminin. Maintenant, cela semble plutôt bien fonctionner. Je n’avais pas vraiment de doutes puisque vu la qualité de l’effectif lyonnais, l’OL gagnerait ses matchs même avec un coach lambda. En tout cas, au vue des razzias de titres les années précédentes, la pression doit être fortes sur ses épaules. Je ne le connais pas personnellement mais il faut faire confiance à Jean-Michel Aulas, qui lui a donné les clés de son équipe. En football féminin, un bon coach est avant tout quelqu’un de très bon sur le plan mental et dans la psychologie.

Dernière question, pensez-vous que les petites filles qui débutent le football rêve de l’Olympique lyonnais ?

C’est une possibilité. Après, je tiens à dire que quand on est une jeune joueuse qui développe un certain potentiel, il ne faut pas tout lâcher pour le football. J’en vois de plus en plus et ça m’ennuie car le football féminin reste un sport amateur. Les contrats proposés sont des contrats fédéraux et non professionnels. Cela changera sûrement à l’avenir mais aujourd’hui, c’est comme ça. Par conséquent, il ne faut pas délaisser les études car tout miser sur le football est un pari à haut risque.

2 commentaires
  1. JFOL
    Juni entraineur OL - mer 6 Déc 17 à 12 h 09

    Meilleure équipe de l'univers !

  2. Avatar
    OL-38 - mer 6 Déc 17 à 13 h 49

    Re Bonjour à tous,
    Oui là ont peux tous le dire: L'OL FEMININ est la meilleure équipe féminine de tous les temps. D'ailleurs Marozsane à prolonger jusqu'en 2020 à L'OL. Continuez comme ça les Filles ont est tous avec vous. ALLEZ LES FILLES DE L'OL

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