ASSE – OL : l’ère du politiquement correct

La polémique entourant Anthony Lopes, qui a feutré le nom de l’AS Saint-Etienne sur son maillot, mardi en Coupe de France, a rappelé que le derby a perdu sa saveur d’antan. Cette rivalité historique est rentrée dans une nouvelle ère : celle du politiquement correct.

Une provocation, une petite pique, comme il en existe parmi tant d’autres dans une semaine de derby. Antony Lopes, Lyonnais de souche, connaît l’importance de ce match, aime cette atmosphère et la rivalité qui existe entre l’OL et l’AS Saint-Etienne. Il apprécie aussi l’alimenter. Mardi, donc, à l’occasion du seizième de finale de Coupe de France entre Lyon et Marseille, le Portugais a feutré l’acronyme de l’ASSE sur son maillot. Au vu de la proportion que cela a pris, et du déferlement de haine sur les réseaux sociaux, il s’est rapidement excusé. « Si j’ai blessé ou dénigré l’ASSE et ses dirigeants, j’en suis vraiment désolé. Ce n’était pas du tout mon intention », a-t-il déclaré.

Cet épisode rappelle que le derby a perdu sa saveur d’antan. Aujourd’hui chaque geste est scruté, épié, analysé. Il faut maintenant manier la langue de bois – ce que n’est en soi pas un problème pour le footballeur du XXIe siècle –, faire du politiquement correct. Anthony Lopes, lui voulait juste faire « un petit clin d’œil dans une semaine de derby. » Malheureusement il a «  pu entendre et lire des choses qui m’ont abasourdi. On sait qu’avec les réseaux sociaux, on n’a pas le droit à l’erreur. Il n’y avait rien de méchant de ma part. » Toujours est-il qu’à l'heure actuelle, les supporters des deux camps et les médias, jetteraient la pierre sur des personnages comme Raymond Domenech ou Bernard Lacombe. Ce dernier racontait cette semaine à France Football ses souvenirs de derbies. Il dresse un constat assez contrasté. « Avant le match, on ne se disait pas bonjour. Maintenant, ils s’embrassent, comment vas-tu? Comment vont les enfants? Avant, tu pouvais te permettre plein de choses. Mais, aujourd’hui, la moindre étincelle sur le terrain peut faire tout péter en dehors. Les caméras, l’arbitrage, les médias et les réseaux sociaux veillent », a-t-il déclaré. L’ancien sélectionneur de l’équipe de France, lui, se définissait comme « un vrai acteur du maintien de cette rivalité, avec les petites phrases et les provocations. » L’ex défenseur de l’OL, récemment, a surenchéri « On m’a offert un maillot des Verts avec mon nom dans le dos. Je m’en sers de paillasson. » Il apparaît aujourd’hui inimaginable que de telles déclarations soient prononcées par les joueurs.

« Ça faisait partie du folklore »

Les Lyonnais et les Stéphanois s’accordent, à dire que « c’était mieux avant ». Bruno Genesio, qui a joué plusieurs derbies avec l'OL, regrette l’époque où chacun pouvait exprimer sa pensée sur le voisin régional. « C’est un regret parce que ça faisait un peu partie du folklore, je me souviens des déclarations de Raymond (Domenech) avant les matches contre Saint-Etienne c’était plutôt marrant. Aujourd’hui on ne peut plus se permettre de faire ça parce que ça devient dangereux », a-t-il affirmé, quelque peu fataliste ce vendredi. La faute à qui ou à quoi ? Les réseaux sociaux sont sans doute un peu responsables de cela. « Je relativise beaucoup ces derniers jours car tout peut prendre une dimension incroyable aujourd'hui. Les phrases et les piques sont révolues car on est tombés dans la connerie absolue », a déclaré Christophe Galtier l’entraîneur stéphanois, ce vendredi, qui pense probablement à l'affaire Anthony Mounier. Pour étayer son propos, il défend aussi, Anthnoy Lopes. « C'était une petit provoc', pas une insulte. Il s'est excusé et bien excusé. Il devait le faire. Mais il n'y a rien de méchant. Aujourd'hui, quand un entraîneur perd un match, il y a des messages envoyés sur les réseaux sociaux, c'est incroyable. Je me suis permis d'aller regarder du côté des Lyonnais. Je me suis abstenu me concernant pour me mettre à l'abri de la connerie humaine. Si on commence à tout lire et à tout regarder, on ne prend plus de plaisir à préparer ces matches. Attention à ne pas sortir la phrase qui peut rendre fou les gens », a-t-il avancé, lucide.

Toujours est-il que le geste du gardien lyonnais a permis d’entretenir l’animosité entre les deux clubs. Et malgré le monde dans lequel les footballeurs vivent actuellement, Alexandre Lacazette aime ça. « Ça me plait cette tension. C’est encore mieux de savoir que les Stéphanois sont déjà énervés alors que le match n’a pas encore commencé (sourire). Ça fait partie de l’histoire, depuis tout jeune les derbies sont chauds », a-t-il souligné. L'attaquant lyonnais est encore bien loin la rivalité, qu’entretenaient ses illustres prédécesseurs avec les Verts. Cela y ressemble un petit peu, mais les temps ont décidément bien changé.